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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 mai 1842

19 mai [1842], jeudi matin, 9 h. ¼

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon amour adoré, bonjour je t’aime. Je ne te grogne pas ce matin parce que je sais que tu es avec notre petite bien-aimée, que c’est juste et que si je l’avais pu j’aurais été bien heureuse moi aussi de ne la pas quitter d’aujourd’hui. Enfin mon cher adoré, sois heureux pour toi et pour moi et bénis deux fois cette chère petite créature du bon Dieu. Dès que tu auras une minute, pense à moi et reviens bien vite me trouver car je suis bien triste et bien jalouse toujours seule dans mon coin. Il fait un temps divin et digne de la cérémonie d’aujourd’hui. Quel malheur que je n’aie pas pu entrevoir seulement ma chère petite Dédé. Je suis sûre qu’elle était la plus jolie de toutes. Tu es le plus heureux de tous les pères mon Victor et le plus aimé de tous les hommes, et c’est justice car tu es le plus doux, le plus dévoué, le plus tendre, le plus beau, le plus grand et le plus généreux cœur qui ait jamais existé. Sois heureux Toto et pense à moi de loin, à moi qui ne t’oublie jamais et qui t’aime de toute mon âme. Je pense que la confirmation se fera tantôt. Celle de notre paroisse se fait à deux heures probablement après la vôtre ? C’est aujourd’hui que Dédé va recevoir la sainte gifle de son sublime archevêque. Il n’y a pas de quoi rire, vilain goistapiou, et je vous défends de dire vos bêtises pour aujourd’hui, demain c’est différent, vous pourrez vous en donner sans balancer sur votre balancière défunte. Aujourd’hui soyez sage et aimez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 55-56
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


19 mai [1842], jeudi après-midi, 2 h. ½

Pendant qu’on prie pour vous, mon Toto, moi je vous aime. Moi, qui est-ce qui priera pour moi et qui est-ce qui m’aimera ? Hélas, personne, probablement, je ne suis pas un personnage pour que l’église s’occupe de moi et je ne suis plus assez jeune ni assez jolie pour que mon Toto m’aime encore. Les jours de fêtes sont toujours des jours de tristesse pour moi parce que je sens plus que jamais mon isolement et que la comparaison de ma vie avec celle de tout le monde est encore plus choquante. À tous la joie, la liberté, la considération, le bonheur, à moi la tristesse, l’esclavage, la honte et le désespoir. Je voudrais être morte. D’où voilà que je me laisse aller à un accès de découragement comme si ma vie aujourd’hui était plus triste qu’hier, comme si mon malheur était plus grand à présent que ce matin. C’est toujours la même chose, seulement il y a des temps où le mal se réveille et vous fait crier miséricorde ; il y en a d’autresa où il s’assoupit et vous fait croire une guérison ; je suis dans le premier, peut-être ce soir serai-je dans le second, cela dépendra de l’heure à laquelle tu viendras, combien de temps tu resterasb et comment tu m’aimeras. Pour à présent je te demande pardon de cet accès de tristesse que je n’ai pas pu réprimer. Je t’aime mon Victor, cela explique mon chagrin et ma joie quand j’en ai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 57-58
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « autre ».
b) « resteras ».

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