Guernesey, 23 avril [18]70, samedi matin, 6 h. ½
Bonjour, mon grand petit homme, bonjour, je t’aime. J’envoie ma bonne nuit au-devant de la tienne pour la féliciter si, comme je l’espère, elle ne t’a laissé rien à désirer depuis ton coucher jusqu’à ton lever. Le temps continue d’être merveilleusement beau et doux mais C’EST LES JARDINIERS QU’EST PAS CONTENTS ET CUISINIÈRE NON PLUS ET GRAND homme encore moins à cause de l’abus des grandes LETTRES qui crèvent les yeux pour rien, rien, rien. Plus l’esprit est vide plus les mots doivent être gros afin de faire croire qu’il y a quelque chose dedans. Tant pis si ce trompe-l’œil ne va pas à votre index, vous êtes aussi par trop difficile, TA. Mes cocottes plagient en ce moment par leurs cris insensés l’égosillement inepte de ma calligraphie. Beaucoup de bruit pour une pauvre restitus plus petite encore que le petit œuf qu’elles vont pondre. Il est vrai qu’elles n’ont pas, comme moi, l’excuse de la plume d’OIE. ATTRAPÉ ! Sur ce je me voile la face et je vous conseille d’en faire autant. PRO PUDOR ! ! !
BnF, Mss, NAF 16391, f. 114
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette