Paris, 7 septembre [18]77, vendredi midi
Cher bien-aimé, j’espère que ta bonne et belle lettre au général Deligny [1] sera comprise par lui et que le pauvre Maurice Coste sera mis en liberté, ayant déjà subi près d’un mois de cachot et de secret pour son mouvement d’impatience. Cependant, par le temps qu’il fait et les généraux qu’il y a, on n’est sûr de rien. Aussi je ne croirai à la clémence du susdit général que lorsque ce pauvre garçon sera hors d’affaire [2]. D’après ce que j’entrevois tu ne veux pas que je suive l’enterrement de Thiers [3]. Ce sera la première fois que tu t’opposes à ce que je sois près de toi dans un cas grave comme celui-ci où la police peut faire on ne sait quelle noire trahison. Cependant je ne renonce pas encore à l’espoir de te convaincre qu’il ne faut pas déroger à nos douces habitudes d’être toujours le plus près possible l’un de l’autre chaque fois que des occasions sérieuses se présentent et celle-ci en est une qu’à tort ou à raison je redoute pour toi. Laisse-moi donc, je t’en supplie, mon adoré, te suivre de loin que je sache et que je voie par moi-même toutes les péripéties de cet enterrement orageux. Je t’en prie, je t’en supplie au nom de notre pacte sacré.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 244
Transcription de Guy Rosa
[Souchon]