Guernesey, 26 décembre, [18]65, mardi matin, 8 h. ¼
Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour et bonheur si tu as passé une bonne nuit. Tu étais si pressé de rentrer chez toi hier au soir que j’ai oublié de te faire penser à emporter ton manuscrit dont tu as peut-être besoin ce matin [1]. D’un autre côté, je n’ose pas prendre sur moi de te l’envoyer par Suzanne dans la crainte que cela te dérange. C’est à toi à résoudre la difficulté si tu as besoin de cette partie de ton travail. Tout ce que je peux faire, c’est de le garder scrupuleusement sans y jeter un œil en dépit de la tentation. Mais, soyez tranquille, je suis curieuse mais honnête [2], MALHEUREUSEMENT ! Et à ce propos, j’aurais préféré me débarrasser tout de suite de la dette Nicolle [3] par l’entremise de Kesler que de la traîner jusqu’au mois de mars. Je n’en comprends pas l’utilité mais j’en sens la petite humiliation, car il y a toujours un peu de confusion dans l’aveu de la gêne d’argent. Cela dit, n’en parlons plus. J’espère que tu as été content de moi hier ? J’ai fait pour cela tout ce que je pouvais. Ma cordialité ne saurait aller au-delà. Ainsi que nous en étions convenus, j’ai passé outre Missa D [4], quoique cela fût un peu désobligeant en sa présence. Mais le moyen de faire autrement ? L’important pour moi c’est que tu sois content ; c’est avec ce désir que je souhaite que tu aies un bon courrier de ta famille aujourd’hui. En attendant, je t’aime à triple cœur. Je t’adore, mon doux grand bien-aimé.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 218
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « Misse ».