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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 décembre [1835], jeudi matin, 10 h. ½

Bonjour mon cher adoré petit homme, bonjour mon chéri. Comment avez-vous passé la nuit, mon immortel [1]  ? Moi, j’ai un peu souffert mais ce n’est rien du tout.
Je vous aime. Voilà le plus fort de ma maladie. Je me suis réveillée plusieurs fois dans la nuit et toujours en pensant à vous avec amour.
Tu sais, ou plutôta, tu oublies qu’il me faudra de l’argent pour tantôt sous peine de me laisser court quand on viendra toucher les 50 francs. Au reste, ça m’est égal. Un peu de honte est bientôt passéeb. Mais ce qui ne me sera pas égal, c’est que j’avais compté sur cette circonstance pour te voir un peu plus tôt qu’à l’ordinaire. Il paraît que j’ai compté sans mon AUTRE, une chose sur laquelle je n’entends pas raillerie. Ce sont vos visites. Je veux absolument les faire avec vous, comme cela je sais le temps que vous passez auprès des femmes et des filles D’ACADEMICIENS. Et puis, chemin faisant, je recueillec des miettes de vous, ce qui ne m’est pas indifférent avec le régime d’inanition auquel vous me mettez depuis si longtemps.
Je compte donc sur vous pour cela en tout état de choses.
Je vous aime, mon petit Toto. Je vous aime plus que je ne peux vous le dire et plus que vous ne pouvez le comprendre.
Mon GRAND POETE, je vous aime. Je vous aime. Oh ! je vous aime.

Juliette

Je m’aperçoisd que vous n’avez pas pris mes lettres hier au soir. Je vous le disais bien que vous ne compreniez pas tout l’amour que j’ai pour vous. Je suis bien triste, allez. Pour un rien, je jetteraise tout au feu.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 254-255
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « plustôt ».
b) « passé ».
c) « je receuille ».
d) « je m’apperçois ».
e) « je jeterais ».


24 décembre [1835], jeudi soir, 8 h. ¾

Si j’en crois vos promesses, mon cher petit Toto, je dois vous revoir bientôt. Si j’en crois mes pressentiments, vous ne viendrez que le plus tard qu’il vous sera possible, à minuit. Vous comprenez tout de suite comme quoi je suis triste, avec cette pensée incrustée dans mon pauvre petit esprit.
Tantôt, en retrouvant vos lettres dans la boîte, j’ai été sur le point de les jeter au feu et je pensais bien faire dans ce moment-là. Mais vous avez eu un si bon mouvement en entrant chez moi la première fois, que je me suis repentie d’avoir eu cette mauvaise intention. Une autre fois, mon cher petit homme, permettez-moi de regarder si vous avez pensé à les emporter et permettez-moi, dans le cas assez fréquent où vous les auriez oubliées, de me les envoyer par la petite poste si expéditive que vous connaissez.
Vous savez, mon cher petit homme, que vous pouvez faire valoir auprès du corpsa académique tout entier votre vertu, votre continence et tous les accessoires qui parent si bien un membre le jour de sa réception. Je ne serai pas là pour vous démentir, au contraire. Vous savez en outre que je vous aime et tout à fait chastement, comme il convient à un futur académicien.
Je dépose sur votre front le baiser le plus platonique possible avec un amour d’enragéeb dans le cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 256-257.
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « corp ».
b) « d’enragé ».

Notes

[1Fin décembre, Victor Hugo décide de se présenter à la prochaine élection de l’Académie qui doit avoir lieu le 18 février 1836, suite à la mort du comte Lainé, académicien, qui libère un fauteuil. Il ne sera élu qu’en 1841.

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