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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 décembre [1835], lundi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon chéri, comment vas-tu ce matin ; comment as-tu passé la nuit ? Je t’aime, mon adorable Victor, je t’aime de toutes les puissances de mon âme ; toutes mes joies me viennent de toi, comme toutes mes tristesses viennent de ton absence.
Mon cher adoré, j’ai fait un bien vilain rêve cette nuit, mais je ne m’y arrête pas dans la conviction que ce n’est, que ça ne peut être qu’un rêve. J’ai rêvé que tu ne m’aimais plus. Comme dans le sommeil l’illusion tient la place de la réalité, tu dois penser dans quel affreux désespoir m’a jetéea ce vilain rêve. Maintenant, j’ai repris courage et espoir. Je t’attends avec amour et avec patience, ce qui m’est plus difficile. Tâche de ne pas abuser de ma résignation. Reviens vite me voir, m’embrasser et me pardonner la petite maussaderie d’hier au soir qui t’a fâché un peu contre moi. Quoique cependant je ne le méritasse guère, puisque c’était à force de t’aimer que j’étais devenue mouzonne. Mais cela ne m’arrivera plus jamais. Jamais. Je ferai tous mes efforts pour n’être plus triste aussitôt que tu entreras. Ça fait que je ne te fâcherai pas et que tu ne me feras plus une petite mine inquiète et réservée pendant le peu d’instantsb que nous sommes ensemble.
Savez-vous que j’ai réussi à vous voler une heure cette nuit et si vous n’aviez pas ajouté qu’elle serait une heure de plus pour votre travail, j’aurais été bien plus heureuse de mon triomphe. Quoi qu’il en soit, j’étais contente de l’avoir agrippée.
Je vous aime mon Toto. Je t’aime mon Victor.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 217-218
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « m’a jettée ».
b) « le peu d’instant ».


14 décembre [1835], lundi soir, 8 h. ½

Mon bon petit Toto, si vous venez de bonne heure ce soir, vous serez un très joli garçon, et vous pourrez vous regarder dans la glace. Si vous ne venez que tard, vous serez un vilain monstre affreux qu’on ne pourra pas envisager mais qu’on dévisagera.
Vous savez que je vous aime, vous ne l’ignorez pas. Vous savez que je vous désire, vous en êtes témoin. Ainsi, vous n’avez pas d’excuse à donner pour venir tard.
Je m’aperçoisa de plus en plus que ma bonne me vole. C’est agréable et ça met de l’ordre et de l’économie dans ma maison. J’ai voulu attendre ton retour pour prendre conseil de toi avant de lui en reparler. Mais la question n’est pas là. Elle est tout entière dans le plus tôt ou le plus tard où vous m’apporterez votre petite personne bien aiméeb. Si c’est tôt, je serai geaie. Si c’est tard, je serai triste. Arrangez-vous, mais il n’y a pas d’intermédiaire entre ces deux nuances. Il dépend de vous de me faire voir tout en rose. Mais quantc à moi, je vois tout en noir quand vous n’êtes pas là.
Plaisanterie à part, mon cher bien-aimé, viens vite. Je t’aime tant, j’ai tant de choses à te dire, tant d’amour à te donner que c’est un vrai encombrement de cœur et d’esprit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 219-220
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je m’apperçois ».
b) « bien aimé ».
c) « quand ».

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