Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Avril > 27

27 avril [1842], mercredi soir, minuit

Que dis-tu de cette heure fabuleuse, mon Toto ? La pendule avance de cinq quarts d’heure [1], c’est vrai, mais il n’en est pas moins honteux d’avoir attendua jusqu’à présent pour te dire que tu es mon Toto adoré et que nous avons eu un très joli moment ce matin et que je m’abonnerais bien à en avoir un pareil et beaucoup de plusieurs pareils tous les jours et tous les soirs et tous les matins. Il y a une cause à ce retard, la premièreb est la visite de la mère Pierceau et de son petit moutard [2] qu’elle tenait à montrer à Claire avant qu’elle ne s’en aille à la pension [3]. Plus tard, elle et Mme Franque sont venues passer le reste de la soirée chez moi. Mais le plus farce de l’affaire, c’est la visite de Mme Triger qui, ayant vu ma contrariété dimanche à propos des billets d’Académie [4], avait prié son mari de lui en avoir deux qu’elle venait m’offrir avec empressement. Je ne les ai pas acceptésc, et pour cause, mais dans tous les cas je ne les aurais pas acceptésd à moins d’une autorisation formelle de ta part. Je ne l’en ai pas moins remercié, trouvant fort original que ce soit Mme Triger qui me donne des billets d’Académie quand j’ai le plus beau de ses membres dans … MA MANCHE. J’ai retenue Mme Triger à dîner ne pouvant guère faire autrement et toutes ces femelles sont parties ensemble il y a une demi-heure. Le temps de compter ma dépense, d’arranger un peu mon établissement, tu vois qu’il n’y a pas trop de temps de perdu. Dites donc, mon Toto, c’était bien bon du bon amour ce matin ? Est-ce que vous ne m’en donnerez pas tout de suite d’autre ? Cela m’a ouvert L’APPÉTIT et je voudrai REDÉJEUNER à mort et indéfiniment avec vous. Tâchez donc de [n’être  ?] pas un mois entre cette fois-ci et l’autre. Je vous en prie, je vous en prie, mon Toto bien aimé.
Jour Toto, jour mon cher petit O. Pourquoi n’êtes-vous plus revenu dans la journée ? Toujours le même système, vous m’ôtez le soir le bonheur que vous m’avez donné le matin dans la crainte probablement que je ne m’y habitue. Tenez, vous n’êtes pas gentil mais je vous aime tout de même.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 323-324
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « atendu ».
b) « le premier ».
c) « accepté ».
d) « accepter ».

Notes

[1Elle fait mention de sa pendule défectueuse à de nombreuses reprises dans sa correspondance, il s’agit sûrement d’un « défaut » intentionnel de sa part.

[2Le 15 mars 1841, Mme Pierceau donnait naissance à un petit garçon qu’elle nomme Crépin.

[3Claire Pradier n’était plus en pension dans son établissement de Saint-Mandé depuis le mois de janvier mais vivait chez sa mère. Elle retourne au pensionnat le mois prochain.

[4Il doit s’agir de la cérémonie de réception de l’académicien Pierre-Simon Ballanche élu le 17 février 1842 et reçu le 28 avril 1842. Écrivain, penseur, philosophe mystique et métaphysicien symbolique, il fît partie de l’Académie de Lyon et échoua trois fois à l’Académie française avant d’y être élu.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne