Guernesey, 9 novembre [18]68, lundi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon cher bien-aimé, comment ta nuit ? La mienne aurait été très bonne sans les tiraillements trop fréquents de mon bras. Mais enfin, telle qu’elle est, je m’en contente, pourvu que la tienne ne me laisse rien à désirer. Il y a aujourd’hui un mois que nous sommes rentrés dans nos foyers, ce qui n’empêche pas Bruxelles d’être à plus d’un an de distance dans ma mémoire. Pourquoi cela ? That is the question à laquelle le mystère ne daigne pas répondre. J’espère que je serai plus heureuse en te demandant quand reprendrons-nous la fin de la collation de ton livre [1] Madame Chenay et moi ? J’aurais besoin de le savoir au moins la veille pour que rien ne cloche dans mon petit train-train intérieur et pour que Madame Chenay trouve du feu allumé quand elle viendra. Je n’ai pas à te rappeler d’écrire à d’Alton Shée puisque c’est fait, mais je te fais souvenir que tu n’as pas encore accusé réception à l’auteur belge, ami de Berru, de son livre illustré [2]. Je crois que le moment est venu de t’exécuter sous peine d’attrister inutilement l’auteur et par contrecoup ce pauvre Berru qui t’aime. J’ai dit. Tant pis si je prêche dans ce désert. Je ne t’en adorerai pas moins.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 308
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette