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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 juillet [1839], mercredi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon cher petit homme, bonjour mon Toto, comment vas-tu ce matin et comment m’aimes-tu ? Moi je t’aime et ma crise de cette nuit est passée ; il ne me reste plus que de la courbature car ces sortes d’indispositions ont la propriété de vous laisser une grande fatigue après avoir disparua. J’espérais que tu viendrais voir comment ça s’était passé mais tu n’es pas venu, mon pauvre petit homme, et je sais trop pourquoi… Je suis une vieille méchante et j’ai honte de moi-même car tu es mon généreux et mon dévoué petit homme. Oublie si tu peux tout ce que je t’ai dit d’extravagantb hier et aime-moi, mon adoré, j’en ai bien besoin. Si tu pouvais voir M. Boulanger, tu le prierais de me donner ton cher petit portrait pour ta fête [1] qui deviendrait aussi la mienne car rien au monde, excepté notre voyage, ne peut me faire plus de plaisir et en conscience ça ne lui coûterait pas beaucoup plus de peine de le faire pour cette époque-là, c’est-à-dire pour dans dix jours comme plus tard. N’est-ce pas mon petit homme ? Aussi tâche de le voir aujourd’hui et prie-le bien pour moi.
Je suis bien contente de n’avoir pas perdu ma bourse parce que c’est toi qui me l’as donnée et que j’y tiens à cause de cela beaucoup plus que si elle était PLEINE D’OR, comme tu dis. Je t’aime. Baise-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 93-94

Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « disparue ».
b) « d’extravaguant ».


10 juillet [1839], mercredi soir, 6 h. ½

Ô mon cher petit bien-aimé, sois béni et sois heureux autant que je t’aime. Ta douceur ineffable et ton dévouement sublime m’inspirenta des sentimentsb de dévotion et d’admiration fanatique. Je t’aime plus que le mot ne contient d’amour et d’adoration. Je t’aime plein le ciel et la terre. Je t’aime plein mon âme. Pardonne-moi les mots ridicules que je t’ai ditsc hier dans un accès de mal de reins et de rage de vieux fauteuil. Pardonne-moi. Voici les petites Besancenot dont une a été fort baisée par vous. Et vous croyez que ça se passera comme ça ? ET MOI ?????d « Oh ! Dieu que j’aime donc M. Doi [2] », « Et moi aussi », « Oh ! Je l’embrasserai encore ce soir très bien », « Eh ben moi aussi. » Voilà le colloque qui se livre entre deux pucelles à votre sujet. C’est bien agréable pour moi. Voime, voime. J’ai donné à la couturière de Mme Besancenot deux robes blanches à me refaire les corsages, c’est bien le moins puisque je ne peux pase avoir une pauvre petite robe neuve de rien du tout. N’est-ce pas que c’est juste ?... Je les aurais bien RACCOMMODÉESf !... Et puis j’aurais pas fait des petits points sur le papier. Et puis je ne vous aurais pas aimé davantage parce que ça n’est pas possible. Et puis je vous embrasse de tout mon cœur, de toute mon âme, de toutes mes forces et de toute ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 95-96
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « m’inspire ».
b) « sentimens ».
c) « dit ».
d) Les cinq points d’interrogation courent jusqu’à la fin de la ligne.
e) « pas en ».
f) « RACOMMODÉS ».

Notes

[1Fête de la Saint Victor : le 21 juillet.

[2Les petites Besancenot appellent Hugo « M. Doi ».

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