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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 avril [1840], dimanche matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher bijou. Comment vas-tu mon adoré ? Pourquoi n’es-tu pas venu ? Ce serait pourtant bien le moment de te reposer et de nous donner de la joie et du bonheur. Je vois bien à présent qu’il n’y a pas d’autre moyen pour nous pour être entièrement l’un à l’autre que le voyage aussi je vais joliment pousser à la ROUE diligence, malle-poste, coucou, cabriolet, patache, bateaux à vapeur et je pousserai à toutes ces roues-là pourvu que nous fassions partiea du bagage. J’ai glissé hier comme sur une aiguille de glace sur ce que tu as dit à ce hideux Bayard [1] dans la crainte d’y laisser l’espoir d’un très prochain voyage dans une explication. Mais, mon Dieu, si tu as encore deux volumes à faire paraître et ta pièce [2] à donner à l’automne, je ne vois aucun moyen pour nous de voyager ? J’espère encore que ce n’est qu’un conte pour te débarrasser de ce stupide vaudevilliste, et que j’en aurai été pour ma venette ; aussitôt que j’aurai du courage je m’en assurerai. Maintenant je ne veux faire autre chose que de te désirer, t’aimer et t’adorer. Oh ! si nous avions la soupièreb !!!!!!! [Dessin c] et puis baisez-moi. Je vous adore de toute mon âme mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 79-80
Transcription de Chantal Brière

a) « parti ».
b) « soupierre ».
c) le mot « soupière » est suivi de sept points d’exclamation qui bordent le feuillet verticalement, d’un dessin d’une soupière lui-même suivi de trois gros points d’exclamation :

© Bibliothèque Nationale de France

26 avril [1840], dimanche soir, 9 h. ½

Je ne t’avais pas écrit tantôt, mon adoré, parce qu’il était encore trop tôt. Maintenant que mon monde est parti je m’en donne à cœur joie et avec l’espoir de te voir arriver pendant que je t’écris. Je serais si ravie d’aller voir Jupiter et Saturne avec toi, je serais si heureuse si heureuse de marcher appuyéea sur ton bras, mon âme sur tes yeux et mon amour sur tes lèvres. Vraiment mon Toto chéri tu devrais bien venir tout de suite, je t’aime de toute mon âme et je te désire de toutes mes forces. Les boucles d’oreilles font très bien, à ce que disent ces femmes, mais ce qui fait encore mieux que tout ça et ce qui m’embellit réellement c’est l’amour que tu m’inspiresb et qui rayonne dans toute ma personne. Je ne peux pas te dire ce que je sens mais en dedans de moi c’est admirable et digne de toi. Je suis pour l’amour ce que tu es pour la musique, je ne peux chanter qu’en dedans mais aussi quelle musique et quel amour ! J’ai mis ma petite bague d’argent, toute la parure blanche est complètec. C’est un mythe, mon âme est redevenue blanche au souffle de ton amour, l’or honteux argent pur. Oh ! je garderai ces précieux bijoux toute ma vie et quand je mourraid je veux qu’on les enterre avec moi. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 81-82
Transcription de Chantal Brière

a) « appuier ».
b) « m’inspire ».
c) « complette ».
d) « mourrirai ». Faute volontaire ou non ?

Notes

[1Jean-François Bayard (1796-1853), auteur dramatique et directeur du Théâtre des Variétés de 1837 à 1839.

[2La reprise de Ruy Blas n’aura lieu qu’en août 1841 au Théâtre de la Porte Saint-Martin.

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