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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 juillet [1840], dimanche après-midi, 4 h. ¼

Je t’aime, mon Toto, je t’adore mon pauvre amour. C’est bien vrai, bien vrai. Tu es bon, tu es beau, tu es doux et noble, tu es sublime et ravissant, tu es parfait mon cher bien-aimé et je te rends bien cette justice-là dans le fond de mon cœur où tu es adoré comme le bon Dieu. Ne me pardonne pas d’être jalouse et méchante mais aie pitié de moi et réjouis-toi d’être aimé de tous les amours à la fois. Je baise tes chers petits pieds. Je me suis dépêchée dare-darea de me débarbouiller et de me peigner. J’attends la mère Pierceau mais le temps est si menaçant et si incertain et elle est si pouleb mouillée que je ne crois pas qu’elle vienne ce qui m’attraperait fort car je n’ai rien de taillé pour donner à l’ouvrière demain et puis j’ai hâte d’envoyer les 17 f. d’acompte à Mme Krafft. Je serai très vexée si elle ne vient pas et cependant c’est très probable.
Quel beau pantalon vous avez, quel beau garçon vous faites, mâtin de chien, vous ne vous refusez rien. Je vous présente mon respect. Voime, voime, vous êtes une bête. Cecic vaut au moins dix mille francs, je vous le laisse pour dix sous mais j’y perds vrai vrai.

13 juillet [1840], lundi après-midi, 5 h.

Je reprends ma lettre plus de 24 h. après l’avoir commencée et loin d’être refroidie sur mon chef-d’œuvre je n’en suis que plus enthousiaste. Les belles choses gagnent à être revues, mon dessin est du nombre et vaudrait son pesant d’or si on était juste envers le talent modeste et consciencieux. Depuis que tu m’as quittéed mon adoré je ne me suis pas assise. J’ai fait et [fais] faire un nettoyagee de tous les diables et enfin à l’heure qu’il est je n’ai pas encore mis une goutte d’eau sur mon museau. Je suis raide de poussière et de crasse. Heureusement que je vais jeter bas toute ma défroque et me laver à grande eau toute ma pauvre carcasse. Jour papa, je vous aime et je vous adore. Jour, onjour, papa est bien i. Voime, voime, il est bien revenu pour me mener chez la mère Pierceau. Voime, voime. Et puis il n’est pas à Saint-Prix [1], c’est le petit minet. Taisez-vous et prouvez-moi le contraire. Je vous aime scélérat.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 25-26
Transcription de Chantal Brière

a) « dardar ».
b) « poulle ».
c) Juliette fait un dessin la représentant face à Hugo très élégant :

© Bibliothèque Nationale de France

d) « quitté ».
e) « nétoyage ».

Notes

[1La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour l’été.

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