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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 février [1840], jeudi, midi ¾

Bonjour mon Toto, bonjour mon petit homme. Vous avez été bien i hier en me menant avec vous. Vous pouvez vous vanter de m’avoir fait une fameuse surprise de bonheur, j’en ai même rêvé cette nuit. C’est tout plaisir que de m’en donner, jeu de mots à part, car je trouve moyen de le multiplier indéfiniment comme font les miroirs des objets qu’ils réfléchissent. Moi c’est mon âme qui réfléchit indéfiniment le petit moment de bonheur que tu me donnes, c’est que je t’aime tant, mon Toto. Jour mon adoré, jour. Ah ! sacristie ! Ah ! sacré matin ! Ah ! nom d’un petit bonhomme [1] que je vous aime ! Bénies soient la mère Pierceau et la mère Triger de m’avoir donné, chacune à leur insua, une jambe de cette fameuse culotte attendue et désirée depuis si longtemps. Je leur souhaite un ou plusieurs maris aussi réjouissants que ceux que nous avons vus hier.
Donnez vos chers petits pieds que je les baise et aimez-moi la moitié de ce que je vous aime, je ne demande que ça. Surtout ne mangez pas la pomme qu’un serpent prit pour un gâteau [2] et n’oubliez pas de ne pas aller sans moi au Vaudeville et partout ailleurs où il y a des baladines [3]. C’est dans huit jours que notre sort sera décidé [4], je voudrais bien que ce fût définitivement et sans appel car c’est bien ennuyeuxb d’être candidat mais c’est encore plus ennuyeuxb d’être académicien. Enfin nous en aurons le cœur net jeudi prochain s’il plait à Dieu. En attendant je vous aime et je vous aimerai de toutes mes forces et de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 156-157
Transcription de Chantal Brière

a) « insçu ».
b) « ennuieux ».


13 février [1840], jeudi soir, 5 h.

J’ai trouvé M. Desmousseaux chez Mme Pierceau, mon cher bijou, il vient de s’en aller à présent. Moi je me dépêche de t’écrire dans le cas, très peu vraisemblable, où tu viendrais me chercher pour me donner une seconde culotte. Je m’habituerais très bien à ce genre de vêtement, je trouve qu’il me sied très bien, qu’en dites-vous ? J’entrecoupe ma lettre de : toi qui berces mes songes… [5] ou bien [Ma chère Loui…ise ?] ou bien : ah ! ventrebleu, oh ! sacristie, etc. Et puis j’ajoute : mon Toto est ravissant, mon Toto est adorable, je l’aime mon Toto de toute mon âme. C’est une manière douce et charmante de t’écrire parce que tout ce que je t’écris je te le dis en même temps. J’ai pour interlocuteur Mme Pierceau qui comprend très bien mes cris de joie, mon enthousiasme et mon admiration pour toute ta chère petite personne adorée.
Vous avez encore regardé la grosse araignée velue et les lézards [6], vilain homme, d’y penser cela me donne la chair de poule cependant j’aime mieux cela que de vous voir regarder les jolies femmes et même les laides. Baisez-moi vieux Toto, aimez-moi, pensez à moi et regardez dans votre cœur, vous m’y trouverez à genoux devant mon amour. Vous êtes mon Dieu, ma religion, mon étoile, mon paradis, mon âme. Je t’aime. Sois-moi fidèle mon amour, pense à moi et aime-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 158-159
Transcription de Chantal Brière

Notes

[1Série d’expressions que Juliette, dans sa lettre du 16 février 1840, attribue à l’acteur Arnal, extraites de Monsieur et Madame Galochard de Duvert et Lauzanne, vaudeville créé le 16 février 1836 au Théâtre du Vaudeville, où Arnal jouait le rôle de M. Galochard [Remerciements à Roxane Martin et Patrick Berthier].

[2À élucider.

[3On joue Les Intimesde Xavier, Duvert et Lauzanne au Théâtre du Vaudeville. Juliette redoute les fréquentations de Hugo dans ce théâtre où se produisent Mlles Balthazard et Fargueil.

[4Hugo est candidat à l’Académie française.

[5Citation d’un air de vaudeville dans Les Intimes, comédie-vaudeville en un acte de MM. Xavier, Duvert et Lauzanne, créée au Vaudeville le 4 février 1840. Depuis plusieurs jours Juliette est jalouse des actrices du théâtre du Vaudeville, dont Mlle Balthazard qui joue dans la pièce. Les paroles de cet air, « Toi qui berces mes songes, / De si riants mensonges », s’accordent au thème d’une intrigue d’adultère.

[6Caricature des académiciens ?

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