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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 novembre [1837], mardi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon cher bien-aimé. Il y a aujourd’hui deux mois que nous sommes revenus de notre si charmant voyage, et quoique nous prévoyionsa bien des ennuis de toutes sortes en revenant à Paris, nos prévisions ont été dépassées bien au delà. J’aurais eu autant de forces que toi contre tous ces ennuis si ça n’absorbait pas les quelques heures de bonheur qui me sont dévolues. En effet depuis un mois c’est à peine si j’ai le temps de voir et d’embrasser ta jolie petite bouche. Tout ton temps, mon pauvre bien-aimé, se passe en pourparlers et en occupations tristes quand elles ne sont pas ennuyeusesb. Aujourd’hui encore je suis sûre que tu seras retenu chez toi par l’affaire D [1]. toute la journée. Je ne t’en veux pas, je sais bien qu’il est de toute nécessité que tu t’occupes de toutes ces choses à la fois. Mais je nous plains d’y être si longtemps et si désagréablement forcés. Je t’aime mon cher petit homme adoré, je t’aime plus que je ne peux le dire. Je voudrais pouvoir te remplacer dans toutes ces misérables affaires qui te fatiguent et te dégoûtentc mais j’y ferais une pauvre figure malgré tout mon courage et tout mon amour. Aussi, je me résigne à t’aimer dans mon cœur sans pouvoir t’être d’aucune utilité. Oh ! mais je t’aime de toutes mes forces et de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 49-50
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « prévoyons ».
b) « ennuieuses ».
c) « dégouttent ».


14 novembre [1837], mardi soir, 9 h. ½

Vous êtes venu en sournois me surprendre tantôt, mais je dois vous avouer que ce n’est pas à cette heure-là qu’il aurait fallu venir, mais bien à celle-ci. Si vous veniez maintenant vous me contrarieriez beaucoup. Je ris avec vous mon petit To, je vous aime bien trop pour faire rien qui soit coupable.
J’ai envoyé tout à l’heure chercher du papier parce qu’il n’y en avait plus à moi. Je vous écris du fond de mon cœur que je vous aime mon cher petit o. Je suis presque fâchée d’être venue aujourd’hui car cette pauvre Mme Pierceau paraît bien souffrante et bien accablée ce soir et je crains vraiment de lui être à charge en restant si tard. Tu serais donc bien gentil mon petit Toto si tu venais me chercher de bonne heure car avec tout ça je te vois à peine, moi. J’aurais été pourtant bien heureuse de passer quelques bonnes heures avec toi. QUAND DONC ?
Mon cher petit Toto, je vous adore, c’est bien vrai. C’est pour cela qu’un peu de bonheur m’irait très bien. Mais du vrai bonheur de derrière les fagots. Je ne suis cependant pas injuste, je sais que vous travaillez et que vous êtes un pauvre bon Toto bien [illis.] et bien charmant que j’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 51-52
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1Allusion à un différend entre Hugo et Marie Dorval. Il en sera encore question dans la lettre du lendemain. Hugo lui a écrit une lettre dans laquelle il s’indigne de la déloyauté de l’actrice à son égard dans le cadre de son procès contre la Comédie-Française. Voir la lettre cinglante de Hugo à Marie Dorval, datée du 13 novembre 1837, publiée par Gustave Simon dans « Victor Hugo et ses interprètes (documents inédits) », La Revue hebdomadaire, 20 mai 1922, p. 322.

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