26 septembre [1836], lundi matin, 10 h. ¼
Bonjour, mon petit homme chéri. Quel beau temps et quel dommage de n’être pas ensemble sur la grande route quellea qu’elle soit. Ou bien encore d’être ensemble ici dans cette chambre, à humer le rayon de soleil qui la remplit. Il est vrai que vous êtes heureux vous loin de moi, il ne vous manque rien, ni bonheur ni soleil. Vous avez tout cela bien plus complet que je ne pourrais vous le donner, aussi vous ne regrettez rien une fois partib de chez moi. Moi c’est différent, tout me manque quand vous n’y êtes pas. Je suis sans air et sans lumière, je suis triste et je souffre.
Vous m’aviez promis mon cher petit homme de m’écrire pour faire un piège à loup [1]. À défaut d’un autre prétexte je comptais sur celui-là pour avoir une petite lettre de vous à baiser. Malheureusement je vous suis devenue assez indifférente pour que vous n’essayiezc même pas de me tenter.
Maintenant, je ne vous attendsd pas avant 1 h. du matin cette nuit. En supposant que vos affaires vous ramènent à Paris si tôt, vous trouverez bon que jusque là je vous aime et que je sois triste.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16327, f. 360-361
Transcription de Nicole Savy
a) « quel ».
b) « partie ».
c) « n’essayez ».
d) « attend ».
26 septembre [1836], lundi soir, 6 h. ½
Je vois bien, mon cher petit homme, que je ne dois pas vous espérer avant six ou sept heures d’ici, en supposant que veniez cette nuit. J’avais gardé Claire dans le cas où j’aurais été assez heureuse pour vous avoir aujourd’hui, mais la femme désire, l’homme n’en tient aucun compte et Dieu se repose. Voilà.
J’ai un affreux mal de tête. Je ne peux pas l’attribuer au long jeûne que j’ai fait aujourd’hui, aussi je le mets sur le compte de votre absence. Mon cher petit homme chéri je vous aime de toutes mes forces. J’ai bien envie de vous voir. Vous êtes bien méchant de ne pas venir.
J’ai envie d’écrire à Mme Lanvin pour la prier de mener Claire chez son père. Il y a déjà trois semaines qu’elle ne l’a vu, et puis le terme de la pension approche, ce qui me détermine le plus, mon cher petit bien-aimé, avec ma tête malade. Je vous fais mille bonnes petites grimaces significatives, accompagnées d’un torrent de baisers.
Juliette
Collection particulière
Transcription de Florence Naugrette