21 juillet 1851, lundi matin, 8 h.
Bonjour, mon Victor, bonjour. J’espère que tu auras enfin pu passer une bonne nuit et que ta surexcitation commence à se calmer ? Il serait plus que temps, mon Dieu, que tu te reposasses corps, âme et esprit. Encore un jour ou deux et tu pourras songer sérieusement à te reposer. D’ici là il n’y faut pas beaucoup compter à cause de toutes les admirations, de toutes les adhésions et de toutes les sympathies que ton discours excite depuis un bout de la France à l’autre et auxquellesa tu es obligé de répondre. Quant à moi, je n’espère pas te voir une minute de plus que le temps nécessaire pour te conduire à la Chambre avant que tout se soit calmé en toi et autour de toi. Nous verrons si je me suis trompée et si je suis à tout jamais rayéeb du programme de tes joies, de tes plaisirs et de ton amour.
Jusque-là je tâche d’espérer mais sans être une belle Philis [1] je ne tarderai pas à désespérer bientôt si cette vie sans intérêt devait encore se continuer pour moi.
Je m’explique mal car les expressions ne me sont pas familières. Je sens que je t’aime, que je souffre, que je suis découragée et malheureuse. Je vois que jusqu’à présent il n’y rien de changé dans tes habitudes avec moi depuis sept ans. Je n’ai qu’une affreuse certitude de plus qui me ronge le cœur. Combien de temps ai-je encore à souffrir, voilà ce que je te demande, ce que je demande au bon Dieu sans obtenir une réponse qui me satisfasse. Mon pauvre bien-aimé je suis plus qu’à moitié folle et je souffre comme une damnée.
Juliette
BnF, Mss NAF 16369, f. 133-134
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « auquelles ».
b) « je suis à tout jamais rayé ».