Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Mars > 1

1er mars [1840], dimanche soir, 5 h. ½

Depuis que tu es parti, mon bien-aimé, j’ai eu la visite de Mme Triger et de son fils, elle n’est restée qu’un moment. Je me suis habillée, j’ai arrangé tes petits linges et me voilà t’écrivant. Dans tout cela je n’ai pas cessé une minute de penser à toi et de t’aimer. Vous alliez du côté du Boulevard tout à l’heure où il y a tant de monde, dit-on, en vérité vous êtes bien [canaille  ?] de nous laisser toujours à un clou quand vous avez le temps d’aller badauder partout. Si j’osais je me fâcherais bien fort et je vous dirais toutes les injures que vous méritez. Si je ne le fais pas c’est par respect pour moi. Baiseza-moi toujours et croyez que vous êtes le plus scélérat et le plus aimé des hommes. Tâchez de me donner un petit bout de joie mardi-gras comme échantillon de notre bonheur éblouissant le même jour il y a sept ans [1].
Je t’aime mon Toto autant et mieux que le premier jour. Du moins cela me fait cet effet-là parce que c’est toujours la même chose et que le bon amour dans le cœur se bonifie comme le bon vin dans la bouteille. Pardon de ma comparaison, elle sent son esprit bouché mais elle prouve le besoin que j’ai de te dire toujours, à tous propos et sous toutes les formes que je t’aime et que tu es mon Toto ravissant et adoré. Baise-moi mon petit bien-aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 218-219
Transcription de Chantal Brière

a) « Baiser ».


1er mars [1840], dimanche après-midi, 1 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon Toto ravissant. Comment vont tes yeux adorés ? Comment va toute ta chère petite personne ? Tu n’es pas venu ce matin quoique ce fût dimanche, pourquoi ? Je t’attendais cependant avec un bon déjeuner, un bon appétit et un bon amour, trois choses dans une comme dans la Trinité et qui ferait un tout qu’on appellerait le bonheur si vous aviez voulu les faire adhérer ce matin. Je vais ramener Claire demain parce que je crains que ce ne soit à cause d’elle que tu ne viens pas, cependant elle couche dans la salle à manger et ce n’est pas la première fois que tu serais venu pendant qu’elle était à la maison ? Enfin je ne veux pas donner prétexte à ton éloignement et nous la ramènerons demain à la pension. D’ailleurs elle va bien, tout se passe dans les formes et avec les symptômes les plus rassurants [2], ainsi il n’y a aucune nécessité à la garder plus longtemps. Jour mon Toto, jour je t’aime. Baisez-moi mon amour et aimez-moi. Toto est bien i. Ordinairement en l’honneur du MARDI-GRAS [3] vous me donniez une petite culotte. C’est que c’est ce jour-là que nous avons passé notre première nuit d’amour ensemble. Est-ce que nous laisserions aller CET anniversaire comme l’autre sans nous donner la plus petite marque de réjouissance extérieure et intérieure ? Ce serait fort triste mais je me résignerai comme toujours. En attendant je vais bien vous aimer, bien vous prier et être très douce et très aimable.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 220-221
Transcription de Chantal Brière

Notes

[1Juliette et Hugo ont deux fêtes commémoratives : la nuit du 16 au 17 février et le Mardi-Gras, que Hugo fond dans Les Misérables en une seule quand il décrit la nuit de noces de Cosette et Marius.

[2Juliette a annoncé dans sa lettre du 26 février que Claire était devenue « femme ».

[3Juliette et Hugo ont deux fêtes commémoratives : la nuit du 16 au 17 février et le Mardi-Gras, que Hugo fond dans Les Misérables en une seule quand il décrit la nuit de noces de Cosette et Marius.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne