Paris, 24 janvier 1881, lundi matin, 8 h.
Il fait un temps à dormir debout ce matin, mon cher petit homme ; ce qui te permet de dormir tout à ton aise dans ton lit et le plus longtemps que tu pourras. Tu y gagneras le repos, d’abord, et t’épargnerasa l’ennui de contempler une des plus vilaines matinéesb d’hiver qui se puisse voir. Quant à moi, est-ce l’hiver ? Est-ce Pologne ? Est-ce folie [1] ? J’ai passé une exécrable nuit que j’avais hâte de voir finir. Enfin, m’en voilà Horte, comme on dit in Guernesey, et j’en suis bien aise car, que faire en un lit à moins que l’on y dorme ? [2] Heureusement que tu n’as pas besoin d’aller au Sénat, et autre, aujourd’hui, tant mieux car, outre la neige imminente qui nous menace, les chemins sont impraticables pour les voitures comme pour les piétons. De toute nécessité, il te faudra faire vertu de ton coin de feu.
J’espère que les enfants déjeuneront avec toi ce matin si tu descends assez tôt pour cela. En attendant, Lesclide vient de venir chercher les lettres à répondre et à mettre à la poste qu’il avait oubliéc d’emporter hier. Entre-temps je lui faisd demander quels jours tu avais invité Banville et Ulbach. Il m’a fait dire que Banville était pour le 28 de ce mois et Ulbach pour le 31, ce que j’ai inscrit tout de suite sur mon livre d’invitations avec lequel j’ai l’honneur de t’adorer.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f 11
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « épargnera ».
b) « matinée ».
c) « oubliées ».
d) « fait ».