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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 septembre [1841], samedi matin, 8 h. ¾

Bonjour aimable scélérat, bonjour affreux gueux, bonjour toi, bonjour vous. Si je te tenais je t’en donnerais une soignée, de pile, que tu n’aurais pas VOLÉEa. Est-il possible de se moquer d’une pauvre Juju comme vous le faites, hein ? Laisser acheter des provisions très chères, faire veiller jusqu’à une heure du matin pour vous attendre, comme c’est spirituel et comme c’est adroit. Enfin c’est votre comique à vous, vous n’en avez pas d’autre, il faut bien vous prendre comme ça. D’ailleurs je ne peux pas vous en vouloir, j’ai bien assez de vous désirer. Je ne pense plus maintenant qu’à vous revoir le plus vite possible. J’espère, mon adoré, que tu ne seras pas aussi féroce que l’autre fois et que tu ne resteras pas jusqu’à demain soir [1] ? Ma foi, si tu étais capable de me faire autant de mal sans regret, je ne sais pas ce que je deviendrais.
J’ai copiéb juste les deux tiers de ce que tu m’as donné hier, je finirai l’autre tiers tantôt [2]. J’ai copié les inscriptions latines et les inscriptions grecques, tu m’en donneras des bonnes nouvelles. [Πνόρλίτοώ ?] [3] : qu’est-ce que tu dis de ceci cité de mémoire ? Je crois que ce n’est pas mal, hein ? Qu’en dis-tu ? Qu’en dis-tu ? Tu es collé, voilà tout. Je te pardonne ma supériorité. Baise-moi et reviens bien vite, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 245-246
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « VOLLÉE ».
b) « copier ».


25 septembre [1841], [samedi] après-midi, 4 h. ¾

Je viens de finir de copier entièrement la tâche que vous m’aviez donnéea, mon amour, et je vous attends avec impatience pour vous en redemander bien vite une autre. Après le bonheur de vous entendre CLABAUDER, je n’en connais pas de plus ravissant que de lire vos RAVAUDERIES (style de Mme de Sévigné) [4]. Mâtin de chien, on voit bien que je ne lis pas de la petite BIÈREb à mes citations et à ma manière de goûter ce qui est bon. Tâchez donc, mon Toto, de venir ce soir pour me donner de l’ouvrage vite vite car je suis en train de TRAVAILLER, et encore plus en train de vous AIMER, ce qui exige impérieusement votre présence.
J’ai eu Résisieux, Jonas, Julie et leur bonne tout à l’heure [5]. Elle venait de la distribution des prix [6]. J’ai enfin vu, de mes deux yeux vu, le fameux tableau à l’aiguille représentant un cheval tenant son domestique par la bride, ce qui ne manque pas d’un certain style comme composition et comme exécution et ce qui a valu à la susdite Résisieux le premier prix de………c mémoire. On n’est pas plus logicienne que cette maîtresse d’école et je lui en faisd tous mes compliments en attendant que je puisse vous faire tous mes baisements, car tout ce que je vous dis là n’est qu’une manière de passer le temps fort piteusement en vous désirant de toutes mes forces et de toute mon âme. Baisez-moi, scélérat, et venez bien vite avec votre pauvre

Juju

BnF, Mss, NAF 16346, f. 247-248
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « donné ».
b) « BIERRE ».
c) Il y a dix points de suspension.
d) « fait ».

Notes

[1Pendant l’été 1841, les Hugo ont loué à Saint-Prix, dans le Val-d’Oise, un appartement meublé de la mi-juin à la mi-octobre, et le poète y passe du temps de juillet à octobre pour terminer la rédaction du Rhin.

[2Peut-il s’agir de la future lettre XXXIX du Tome 3, « Vévey, Chillon, Lausanne », qui paraîtra dans l’édition augmentée du Rhin  ? Il y est en effet question d’inscriptions ou épitaphes grecques et latines. Mais il peut aussi s’agir de la lettre XXIII du Tome 2, « Mayence », dont Juliette a commencé la copie le 20 septembre.

[3À élucider.

[4Le terme familier « ravauderie », c’est-à-dire une œuvre faite de divers morceaux, un ouvrage futile ou des paroles d’amour, est fréquemment employé par Mme de Sévigné, à tel point que des citations d’elle sont choisies comme exemples dans les dictionnaires, comme le Dictionnaire insolite des mots oubliés, Larousse 2013, ou le Littré : « Ce sont des gens qui reviennent de Versailles, et qui recueillent toutes ces ravauderies pour me les mander » (Sévigné, 24 novembre 1675) et « Il [Ch. de Sévigné] m’assure fort qu’il n’épousera pas la petite personne dont je vous ai parlé ; tout le monde me mande pourtant qu’il y a de la ravauderie entre eux ; il veut aller chez Tonquedec, qui n’est qu’à deux lieues de la belle » (Sévigné, 1er novembre 1679).

[6Le mercredi 25 août au soir, Juliette a informé Hugo que Résisieux Besancenot, qui venait de lui rendre visite, venait aussi pour lui demander si elle avait reçu sa lettre d’invitation pour les prix.

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