Paris, 28 oct[obre] [18]79, mardi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, « je te donne à cette heure, penchée sur toi, la chose la meilleure que j’ai en moi……. mon cœur dont rien ne reste, l’amour ôté » [1]. Comme tous les plagiaires « je prends mon bien où je le trouve » [2]. Je te supplie d’en faire autant envers moi-même en prenant mon cœur pour le tien et réciproquement en libre pratique comme d’éternels grands amoureux que nous devons être l’un de l’autre et que, pour ma part, je suis et serai tant que mon âme vivra. Je te souris et je te bénis. J’attends le lever de Mariette pour savoir comment tu as passé la nuit mais d’avance j’espère qu’elle se sera très bien passée.
Mme Jules Simon m’a écrit une lettre bien pressante et bien triste, au fond, au sujet de la publication des Misérables dans le journal de ses fils [3] qui aurait, le journal [4], le plus grand besoin de ce puissant renfort pour se relever et qui te le font demander avec persistance et comme le plus grand service que tu puissesa leur rendre en ce moment. Tu verras par la lettre de leur mère combien la chose presse et de quelle importance elle est pour eux. Pour ma part je regretteraisb bien vivement que tu ne puissesa pas le faire. J’aime et j’estime Mme Jules Simon pour son propre mérite d’abord, et parce que je sens qu’elle est inquiète et malheureuse pour le présent et l’avenir de ses enfants : toutes choses qui doivent toucher ton grand cœur. Il serait bien malheureux pour eux que des empêchements insurmontables s’opposassent à ton besoin d’obliger quand même et toujours. J’espère que non et je t’en remercie avec reconnaissance pour eux.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 258
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « puisse ».
b) « regretterai ».