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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 1er janvier 1862, mercredi matin 7 h. ¾

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour, beau jour, bonheur, sourires, tendresses, amour, je t’envoie tout cela dans un seul baiser. J’attendais le jour depuis bien longtemps pour avoir ma chère petite lettre. Enfin, je la tiens ! Je la lis ! Je la baise ! Je l’adore ! Mais j’entends que tu ouvres ta fenêtre, je la quitte pour courir à toi…
C’est fait, je t’ai vu ! Mes yeux se sont remplis de ton regard ! mon cœur de tes baisers ! mon âme d’extase ! Merci, mon doux adoré, merci. Que toutes les bénédictions de Dieu soient sur toi et sur tous ceux que tu [aimes  ?] et qu’il nous accorde ce que tu lui demandesa, à travers mon ardente et incessante prière, de ne nous séparer jamais une minute en cette vie ni dans l’autre. J’espère qu’il nous exaucera, mon adoré bien-aimé, et qu’il nous épargnera la douleur, j’allais dire la HONTE, car, pour moi, il me semble que je serais déshonorée si j’avais le malheur de te survivre un jour. Aussi, j’espère que Dieu nous donnera le bonheur et nous fera l’honneur de nous appeler à lui en même temps et qu’il soudera nos deux âmes l’une à l’autre pour l’éternité.
Cher adoré, je suis toute troublée comme il m’arrive toujours chaque fois que je reçois une lettre de toi. Ton amour sous cette forme est un élixir divin qui enivre tout mon être. Cependant, à travers mon éblouissement, je sais que je ne mérite pas tout ce que tu penses de moi car je ne vaux que parce que je t’aime. En dehors de mon amour, je suis une pauvre femme bien ordinaire, bien inculte et bien imparfaite, je le sais, je le sais, je le sais. Et je pourrais presque dire que cela m’est égal en tant que tu n’en souffres pas : ma vertu, c’est de t’aimer. Mon corps, mon sang, mon cœur, ma vie, mon âme sont employés à t’aimer. En dehors de mon amour, je ne suis rien, je ne comprends rien, je ne veux rien. T’aimer, t’aimer, t’aimer, voilà ma seule et unique [illis.]. Je n’en pourrais et ne saurais en avoir d’autres, quand bien même je le désirerais, parce que toutes mes forces et toute ma volonté tendent à t’aimer uniquement. Sois béni pourtant, mon généreux bien-aimé, pour tous les rayons que tu mets autour de mon amour et que ma reconnaissance et mes bénédictions soient pour toi autant de bonheur et de félicité de plus dans ta vie. Je te dis toutes ces choses dans une sorte de fièvre d’âme qui ne me permet pas de distinguer ce que je t’écris. Mais le fond, du premier mot jusqu’au dernier, c’est que je t’aime, que je suis bien heureuse, que je te bénis et que j’associe ton ange et le mien à mon amour et à mes bénédictions. Mon Victor, je t’adore, je te souris, je te bénis dans le passé, dans le présent et dans l’avenir.

J.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 1-2
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Guy Rosa
[Guimbaud, Souchon, Blewer]

a) « demande ».

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