7 mars [1838], mercredi, midi ¼
Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon adoré. Comment vont tes yeux, mon Toto ? Cela me tourmente de te savoir souffrant à ce point, car tu as beau y mettre du courage et ne pas te plaindre, je m’aperçoisa bien que tu souffres. Si tu savais comment je t’aime, mon adoré, tu comprendrais mon tourment et mon chagrin quand tu souffres. Tu vas aller sans doute à la répétition ce matin ? Je voudrais que la représentation fût pour ce soir car j’ai déjà peur, ordinairement cela ne me prend que le jour même, cette fois-ci j’ai devancé de vingt-quatre heures le terme de mes terreurs. Il faut espérer que cette fois-ci encore j’en serai pour mes frayeurs, et que l’admiration et les beaux vers auront le dessus comme toujours. Demain je serai dans tous les spectateurs à la fois [1]. J’exciterai [dans ? de ?] mon âme l’enthousiasme et les applaudissements des bons, j’étranglerai avec la force de mon amour la haine et l’envie des misérables qui auraient le front d’attaquer ton admirable Marion pour laquelle j’ai une sympathie particulière. Je te dis tout cela comme des cheveux sur de la soupe mais dans mon cœur, je le sens merveilleusement bien.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16333, f. 141-142
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain
[Guimbaud]
a) « m’apperçois ».