Guernesey, 29 octobre [18]67, mardi, 6 h. ¾ du m[atin]
Avant toute chose, pardon, mon doux, doux, adoré, de mon impatience d’hier au soir. Ta bonté angélique avait déjà expliqué et amnistié ce mouvement d’irritabilité nerveuse involontaire dont mon cœur n’est pas coupable. Mais cela ne me suffit pas encore et j’ai besoin de te redemander pardon avec tout ce que j’ai de plus tendre et de plus soumis dans l’âme. Pardon, mon doux ineffable bien-aimé, pardon. Je te promets que cela ne m’arrivera plus.
J’espère que tu as fait une bonne double nuit pour celle-ci et pour l’autre, et que tu dors encore. Le temps, au reste, n’est pas engageant ce matin. Il pleut, il fait froid et noir brou. Reste le plus longtemps que tu pourras au lit. Quant à moi, je suis venue me refourrer dans le mien bien vite après une meilleure nuit que je ne le méritais.
Quant à mes tracasseries de ménage et de fourneau, je prends le parti de m’y résigner philosophiquementa. Cela m’est d’autant plus facile que tu me donnes l’exemple de la patience indéfinie en toute chose. Tant pis si je m’éternise chez toi aux grands et lamentables regrets de Marie Sixtyb. Dieu sait que ce n’est pas ma faute. Pourvu que tu n’en sois pas trop fâché et que tu m’aimes, je me bats l’œil de tout.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 262
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « philosphiquement ».
b) « Sixti ».