Bruxelles, 4 octobre [18]67, vendredi, 1 h. ¾ après midi
Cher adoré, nous avons été bien indiscrets et bien féroces pour toi hier dans notre curiosité de tout connaître et de tout admirer de La Sorcière [1]. Je crains bien que tu ne paiesa notre enthousiasme délirant d’hier par une aphonie complète aujourd’hui et cela me tourmente on ne peut plus. Je m’en veux de n’avoir pas mieux résisté à la tentation que tous tes chers AUTRES, et je donnerais tout au monde pour que notre imprudence n’aitb pas de suite pour ta pauvre gorge. Si j’avais osé, j’aurais envoyé ce matin savoir comment tu allais mais j’ai craint que cela ne paraisse étrange chez toi et je me suis abstenue.
2 h. ¼
Grâce à Dieu, le mal n’est pas aussi grand que je le craignais. Ta voix, sans être bonne, est encore très sonore et très forte et tu pourras donner de bonnes et précieuses indications à Ruy Blas Berton et à la reine Essler [2] tout à l’heure. J’envie leur honneur et leur bonheur, et je leur souhaite un succès digne de l’œuvre et de leur glorieux professeur. Et je t’adore à deux genoux.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 244
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tu ne paie ».
b) « n’aie ».