Guernesey, 1er juin [18]63, lundi matin, [8 ?] h. ¼
Bonjour, mon cher petit homme rouge, bonjour, je te souris, je t’aime et voilà. J’espère que tu as passé une meilleure nuit que la mienne, ce qui ne t’aura pas été difficile pourvu que tu aies seulement dormi deux ou trois heures dans toute ta nuit. Du reste, je ne m’en porte pas plus mal ce matin, AU CONTRAIRE. Cela étant, je ne m’en occupe, de ma mauvaise nuit, que pour t’obéir en te disant les choses comme elles sont. Mais toi, mon doux adoré, comment va ta tête, comment les douleurs, comment l’amour, comment TOUT ? Je ne pourrai le savoir au plus tôt et au plus [tard ?] qu’à l’heure de ton déjeuner. Jusque là, il faut que je me contente de souhaiter, de désirer et d’espérer ; c’est ce que je fais en t’aimant de mon mieux.
J’attends ta Marie ce matin, j’ai oublié de demander s’il fallait lui faire me rembourser la note de vin mis en bouteille pour ton compte. Mais comme je l’ai déjà marqué sur TA mémoire [1], cela n’a pas grande importance. À propos, comment se sont comportés les deux crocodiles hier ? Le Guernesiais [2] m’a paru [encore ?] assez entier [nous verrons ?] demain lequel digèrera l’autre. En attendant, Fouyou regarde mélancoliquement du [côté du ?] poulailler et moi je vous dévore… des yeux.
BnF, Mss, NAF 16384, f. 144
Transcription de Chantal Brière