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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 29 octobre [18]63, jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, as-tu bien dormi toute la nuit comme un bon petit noir ? Si c’est oui je suis heureuse et si tu m’aimes je te bénis. J’ai rêvé que Dieu me demandait depuis combien de temps je t’aimais et je lui répondais le plus naturellement du monde : DEPUIS QUE J’EXISTE, et c’était vrai car il m’est impossible de me souvenir dans ma vie d’un temps où je ne t’aimais pas. Ce rêve très tourmenté et très douloureux d’ailleurs m’a cependant laissé cette suprême satisfaction que je t’aime depuis mon origine et que je t’aimerai toute mon éternité. Je n’en demande pas davantage à Dieu pour moi personnellement mais je ne me lasse pas de lui demander pour toi en ce monde et dans l’autre tout ce que tu peux souhaiter pour ton bonheur et pour ta gloire. Je viens de voir que tu as entrouvert et refermé ta fenêtre, je crois que tu fais bien de te calfeutrer par ce temps de pluie et de brouillard. Quant à moi je viens de me faire frictionner par Suzanne jusqu’au vif. Je me suis étrillée d’une telle importance que le frottement de ma chemise sur la peau m’est plus que désagréable. Voilà comment je m’acquitte de ma fonction : ÊTES-VOUS CONTENT, MONSIEUR ? J’espère que oui, autrement cela ne vaudrait pas la peine de me mettre à feu et à sang comme une vraie martyre. J’espère encore et par-dessus tout que tu vas bien depuis la tête jusqu’aux pieds et je m’en félicite de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16384, f. 239
Transcription de Gérard Pouchain

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