Dimanche 16 décembre après-midi 3 ha
Je remmaille ma RESTITUS à l’endroit où je l’ai laissée, mon cher petit bien-aimé, non par économie de STYLE car j’en ai de reste, Dieu merci, mais par économie de papier que vous m’avez appris à respecter à l’égal du pain, de l’amour et autres MÉTAUX précieux, ce qui ne m’empêche pas de me rencontrer avec les beaux esprits du feuilleton, ce dont je suis légèrement humiliée.
Je m’étais imaginée en voyant le beau soleil tantôt que vous viendriez me chercher pour faire une petite promenade dans les champs et je m’étais dépêchée de me débarbouiller. Mais, comme toujours, j’en ai été pour mes frais d’espérance et de toilette. Dans ce moment-ci il brouillasse, ce qui me redonne des chances d’AVERSES et DIVERSES de vous voir et de patauger avec vous à travers choux, voime, voime, fort amusant et surtout très enrhumant. Taisez-vous et craignez L’ARRIÈRE-BILE [1]. En attendant, je ne sais où reposer ma défroque et déposer mes tessons : si vous croyez que c’est ce qui rend une femme heureuse vous vous trompez fièrement. Du reste, ne croyez pas que cette manière d’ameublement soit très propre et très économique. Il est probable que d’ici à la fameuse arrière-bile il ne restera pas loque sur loque de tout mon saint frusquin et de celui que vous m’avez donné à garder et cela faute d’une ORMOIRE ou de tout autre chiffonnier pris à temps. Maintenant, je m’en fiche et je profiterai du dégât pour renouvelerb toute ma garde-robe et le RESTE. Maintenant tâchez de venir bien vite si vous ne voulez pas que je m’embête hors de toute proportion. En attendant, je vous baise sans marchander et je vous aime en prodigue de mon âme et de mon cœur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16376, f. 398-399
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
a) Ces lignes sont écrites sur la même feuille que celle du 14 décembre.
b) « renouveller ».