19 octobre 1862

Guernesey, 19 octobre 1862, dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon tout adoré, bonjour, sois heureux autant que tu es bon, que tu es grand et que tu es aimé, je t’adore.
Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? As-tu bien dormi sans interruption aucune ? Tu me diras cela tantôt. Quant à moi, j’ai dormi comme un NOIR et je me porte de MEME. Mon gain fabuleux d’hier soir, 1 F. 50 c. ½ , n’a pas eu même pouvoir de troubler mes rêves cette nuit. Tu vois, mon cher bien-aimé, que je commence à m’aguerrir contre tout espèce de danger, même celui de faire ma fortune au Nain-Jaune. Cela étant, tu peux te tranquilliser de ton côté et te croire enfin délivré de mes paniques ridicules. Cher bien-aimé, je te souris de loin à défaut de caresses dont mon cœur est plein et qui ont besoin pour y répondre de ta bouche, de tes yeux, de ton front, de tes cheveux, de tes petites mains et de tes chers petits pieds.
Quelle belle lettre tu nous a lue hier, mon grand bien-aimé et quel bien sa publicité va faire à cette pauvre Italie qui en est encore à ignorer ses MISERABLES, à elle, Italie ! Tant il est vrai que la poutre est dans l’œil de nations comme dans celui^a de l’individu. Il est vrai que la taille de l’œil de la France en ce moment a la proportion de la plus grosse poutre et même de toutes les poutres réunies en une seule, mais ce n’est pas une raison pour l’Italie de ne pas sentir son fétu. Mais je te dis là des choses gigantesques et tout à fait hors de ma portée. Je t’en demande pardon et je t’adore.

BNF, Mss, NAF 16383, f. 215
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa

a) « celle ».