Guernesey, 27 juillet 1862, dimanche, 5 h. du soir
J’ai à peu près fini ma tâche, mon cher petit homme, et je me délasse en pensant à toi et au bonheur du voyage. Bonheur pour toi presque complet puisque tu auras ton Charles un bon bout de chemin, sans compter la présence de l’excellent M. Meurice. J’espère, mon pauvre adoré, que tout sera à souhait pendant ce voyage pour ta santé, pour ton plaisir, pour ton bonheur. Quant à moi, je ferai bien tout ce que je pourrai pour être à la hauteur de la situation. En attendant, je viens d’envoyer chez Farel l’avertir de venir chercher notre petit bagage et savoir à quelle heure il faut être à l’embarcadère. Il parait que le bateau arrive à neuf heures et que la prudence est de le devancer d’au moins un quart d’heure. Maintenant, j’ai donné 5 œufs à ta Marie [1], laquelle, pauvre fille, est très triste et très inquiète de te voir partir, non pour les accidents possibles du voyage, mais à cause de ton absence qui la laisse sans défense à ce qu’elle croit, mais je n’ai pas pu prendre sur moi de lui permettre de te conseiller, comme si on pouvait te conseiller quoi que ce soit, d’abréger ton voyage. Mon fanatisme pour elle ne va pas jusque là. Que tu sois heureux, n’importe où et n’importe comment, je n’en demande pas davantage à Dieu.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 192
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa