Guernesey, 31 mai 1862, samedi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon cher petit matinal, bonjour, amour, santé, soleil, bonheur, bonjour. Je t’aime. D’après l’heure de ton lever, j’espère que tu as passé une bonne nuit et que tu te portes bien. Moi, réveilléea à 4 h. ½, je me suis obstinée à rester au lit pour ne pas faire lever Suzanne beaucoup trop tôt, ce qui m’a forcément conduite à me rendormir entre six et sept heures du matin, c’est-à-dire le pire de tous les sommeils par ce temps-ci. Aussi j’y ai gagné un affreux mal de tête qui se dissipera en allant et en venant dans ma maison. J’ai encore beaucoup de choses à remettre en place et j’ai surtout à m’occuper de mon cher petit festival de ce soir que nous ferons dans le luckoot si le temps ne change pas d’ici là. Tout cela ne m’empêcherait pas de [mettre ?] un peu plus d’esprit dans ma restitus, si j’en avais ; mais, étant ce que je suis, il faut que je t’aime tout bêtement devant moi sans chercher midi à quatorze heures que je ne trouverais pas. Ma mission n’est pas d’étincelerb dans ta vie mais de t’aimer de tous les amours à la fois et jusqu’à la mort et par delà cette terre et de toute éternité.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 140
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa
a) « réveillé ».
b) « étinceller ».