Guernesey, 8 mai 1862, jeudi matin, 7 h.
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour sur ton cher petit dos nu que je vois en ce moment à travers ta vitre. Bonjour et bonheur si tu te portes bien, si tu as bien dormi et si tu m’aimes un peu. Quant à moi, t’aimer, c’est mon élément, mon atmosphère et mon air respirable. Je ne saurais pas vivre, je ne voudrais pas vivre et je ne pourrais pas vivre sans mon amour. Ceci au propre et non au figuré car je t’aime encore plus que je ne vis. J’espère que tu es content de ta nuit et de ta santé, mon cher bien-aimé. Cela est d’autant plus nécessaire que j’ai très bien dormi et que je me porte à ravir ce matin, ce qui, d’après nos conventions, doit aller de pair entre nous. Aussi je compte bien que je n’aurai aucun reproche à te faire à ce sujet quand je te verrai tantôt.
En attendant, je t’embrasse des yeux, de l’âme et du cœur et je t’adore de partout.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 117
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa