Guernesey, 13 février 1862, jeudi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour, beau jour, bonheur, puisses-tu avoir passé une bonne nuit et n’avoir pas mal à la tête ce matin. Cette formule qui commence presque toujours et qui a l’air d’une banalité n’est pourtant rien moins que la tendre sollicitude de mon amour [ NICHÉ ?] à tout jamais dans ma pensée et dans mon cœur, c’est pour cela mon doux adoré qu’elle me revient tout naturellement sous la plume tous les jours. Tu n’as pas encore ouvert ta fenêtre et je ne t’ai pas entrevu non plus faisant tes évolutions hydrothérapiques. J’espère que cela ne veut pas dire : mauvaise nuit, au contraire. D’ailleurs tu n’as pas le droit de ne pas bien dormir quand je ronfle comme trois Suisses, que je t’aime comme un chien et que le soleil poudroie et que l’herbe verdoie et que les petits oiseaux chantent à pleinsa gosiers. Ah ! mais que je vous VOUEILLE ne pas bien vous porter, ne pas bien m’aimer, ne pas être bien heureux le mois et bientôt le jour de notre ANNIVERSAIRE [1]. C’est ça qui serait joli ! Quant à moi je me fais jeune, belle, charmante et heureuse rétrospectivement et vous me retrouverez telle qu’il y a vingt-neuf ans, les yeux fermés la meilleure manière de regarder l’âme. En attendant je t’adore de tout mon cœur.
BnF, Mss, NAF, 16383, f. 39
Transcription de Chantal Brière
a) « plein ».