18 mai 1882

Paris, 18 mai 1882, jeudi matin, 8 h.

Encore une fichue nuit pour moi, mon grand petit homme, heureusement que j’ai la tienne pour m’en consoler. Depuis que je suis levée et que je m’occupe de toi je vais déjà beaucoup mieux. J’espère même être tout à fait gaillarde quand j’irai t’embrasser tantôt. Tu sais que tu es en congé du Sénat jusqu’à samedi. Il ne tient qu’à toi de bien utiliser ces petites vacances par de longues promenades… et autres. Ce soir nous avons nos chers hôtes aimés les Vacquerie et les Meurice, plus l’aspirant à l’Académie, Coppée. J’espère que cette adjonction ne nous forcera pas à mettre un des enfants hors de table, ce qui serait assez maussade. Je n’aurai malheureusement pas la ressource d’inviter le bon Lesclide parce que je sais qu’il dîne en ville aujourd’hui. Enfin, peut-être aurons-nous d’ici à ce soir quelqu’un pour conjurer la malchance du chiffre 13. En attendant je fais tout ce qu’il faut pour cela en t’aimant à fer et à clou ; et à feu et à sang ; à propos de tout ; partout et toujours ; comme une âme damnée et comme un ange du bon Dieu.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16403, f. 87
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette