Paris, 26 avril 1882, mercredi matin, 7 h.
J’espère pour toi, mon cher petit homme, que tu n’as pas entendu ce vacarme de chiens qui n’a pas cessé même encore à présent. Quant à moi, à partir du moment où je t’ai donné à boire, à trois heures, je n’ai pas pu fermer l’œil. Aussi ai-je la tête en marmelade ce matin. Cependant il fait assez beau, ce qui me fait espérer une belle promenade tantôt. En attendant nous avons pour nous faire prendre patience à tous les ennuis de la vie et autre, comme le dit le citoyen Lesclide, la certitude de voir nos chers petits [1] demain. Je dis NOS parce qu’ils sont un peu à moi par le cœur. Le Ministère de l’Instruction Publique te fait savoir qu’il a accordé, sur ta demande le dégrèvement d’une partie du trousseau que devait fournir l’élève Legallois, demi-boursier du collège d’Angers. Le père t’écrit pour te remercier. À ce propos je te fais penser à la pauvre Mme Chenay [2] qui attend ta permission pour venir te voir et l’argent pour faire la dépense de ta maison. Tout cela urge et je te prie d’y songer. Ce qui urge encore plus c’est que je t’aime et qu’il faut que tu m’aimes comme je t’aime, de tout ton cher grand cœur.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 65
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette