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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mars 1839

22 mars [1839], vendredi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon cher petit homme adoré, bonjour. Je t’aime, comment vas-tu ? Si vous étiez venu, je vous aurais raccommodéa votre poche et ôtéb toutes vos taches, mais il paraît que vous aimez mieux donner votre pratique à d’autresc qui vous prendront plus cher et qui ne le feront pas de si bon cœur. Enfin vous êtes le maître, c’est tout dire. Bonjour, mon petit o. Quand me donnerez-vous à copier ? Je suis impatiente de lire de votre poésie après votre parole et le son de votre voix, je ne connais rien de plus doux et de plus ravissant. Tâchez donc, mon cher adoré, de me donner ce bonheur-là au plus tôtd. Je vous aime, n’oubliez pas ça. Tu devrais bien prendre sur toi, mon adoré, de monter dans la chambre de la bonne une minute : voilà déjà quinze jours que nous aurions pu rendre service à ces pauvres Lanvin et que nous ne l’avons pas fait, c’est vraiment pas bien à nous. Je ne te parle pas du dessin, mais il est bien fâcheux que je fasse un si grand sacrifice sans en tirer même la satisfaction de faire plaisir. On ne peut pas dire que je suis née sous le patronagee de sainte Opportune car rien de ce que je fais ou veuxf faire n’a le mérite de l’à-propos. Je sais du reste que ce n’est pas mauvaise volonté chez toi et que tu travailles comme un pauvre chien. Aussi j’attribue toutes mes infortunes à sainte Opportune qui ne nous est pas favorable. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 291-292
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « racommodé ».
b) « ôter ».
c) « d’autre ».
d) « plutôt ».
e) « patronnage ».
f) « veut ».


22 mars [1839], vendredi soir, 6 h. ½

Avec tout ça, je t’ai à peine vu mon petit homme, et je t’aime plus que jamais. Va, crois-moi bien car c’est la vérité, comme Dieu la voit, je te suis bien fidèle de pensée, de corps et d’action. Je n’ai rien à me reprocher d’aucune manière et si tu en doutes c’est bien injuste et bien ingrat. Je vais me mettre au bain. J’ai profité du passage des baigneurs. D’ailleurs j’en éprouve toujours un bon effet, outre le motif de propreté qui n’est pas à dédaigner. Je t’aime, mon Victor adoré, je t’aime, aime-moi. Soyons heureux et confiantsa car si avec notre amour nous ne pouvons pas l’être, qui donc le sera ? Je voudrais pouvoir t’ouvrir mon âme comme on s’ouvre la poitrine, dussé-jeb en mourir sur l’heure, pour te donner la preuve incontestable de la grandeur et de la sincérité de mon amour. Ce n’est pas ma faute si je ne peux pas te donner cette preuve irrécusable mais je sais, moi, combien ce que je sens est profond et vrai et combien je te suis fidèle. Plus tard tu le sauras, si le bon Dieu est juste. En attendant, je t’aime et je me soumets à toutes tes investigations. Je les désire même et je te prie d’être jaloux puisque la jalousie c’est l’amour. Aime-moi, sois jaloux, bats-moic, aime-moi, rends-moi bien malheureuse et aime-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 293-294
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « confians ».
b) « dussai-je ».
c) « bat-moi ».

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