Guernesey, 14 mai [18]63, jeudi matin, 8 h. ½
Rebonjour, mon cher petit homme, tu me parais avoir, comme moi, passé une très bonne nuit et te goberger sur un vrai veloursa de santé ce matin. Si cela est, alors vive la joie et son auguste famille, l’amour et le bonheur. J’espère qu’il ne reste plus de trace de ton mal de tête et de ton bobo à l’œil ? Cependant tu feras bien de ne pas trop les fatiguer aujourd’hui dans un travail absorbant, pour t’en empêcher je t’offre une promenade monstre tantôt c’est le seul moyen connu pour te forcer à prendre un peu de repos d’esprit. À propos d’esprit, pourquoi n’apportez-vous pas du papier commun pour vos notes et pour mes gribouillis, voilà le dernier petit morceau de tous mes fonds de tiroirs ; demain je serai forcée de prendre du vrai papier tout NEUF. Ce sera votre faute et je ne vous plaindraib pas. Ce dernier mot me fait songer à la pauvre Rosalie et à la possibilité de son retour dont tu parlais hier. Je ne vois pas comment tu pourrais l’en empêcher si d’avance elle croit pouvoir se dispenser de t’en demander l’autorisation. D’un autre côté il serait peut-être bien dur de refuser au fils l’occasion de rentrer chez son ancien patron [1] dans la crainte de l’éventualité du retour de la mère. Du reste, mon cher adoré, toi seul peut trouver la solution de ce problème dans l’intérêt bien entendu de ces deux malheureux êtres car tu as en toi la raison suprême et la générosité sublime.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 124
Transcription de Chantal Brière
a) « velour ».
b) « plaindrez ».