4 juillet [1837], mardi après-midi, 1 h. ¼
Je crois bien que je n’ai plus mal à la tête. Ça n’est pas très malin avec le REMÈDE, mais aussi, sans lui que serais-je devenue, je vous le demande ? Je suis très bien portante, je suis très geaie et très heureuse. Je voudrais être sûre que cela vous a produit le même effet pour être encore plus geaie [1]. Bonjour mon OFFICIER [2] . L’amour peut à peine vivre un jour ENTIER, surtout à présent que votre boutonnière s’enrichit à vue d’œil [3]. Diable, ça commence à devenir sérieux. Il faut absolument que je décore ma personne de plusieurs ordres du Soleil [4] si je veux pouvoir MANGER à côté de vous sans bâtons. En attendant je me regarde comme votre inférieure en grâce et en beauté. Jour mon cher petit o. Jour. Je vais me dépêcher de faire mes affaires afin d’être prête quand vous viendrez me chercher.
Ce stupide Jourdain n’envoie pas ses ouvriers [5], ce qui m’ennuie assez parce que cela prolonge indéfiniment cet arrangement assez pressé d’ailleurs. Et puis je vous aime, et puis voilà, et puis et puis beaucoup d’amour que je ne vous donne pas parce que vous n’êtes pas assez fort pour le porter.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 15-16
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
4 juillet [1837], mardi soir, 9 h. ¾
Mon cher petit homme, je vous écris un petit bout de lettre à cause de la mesure de mon papier qui n’est pas bien grand. Tant pis pour vous. Pourquoi ne voulez-vous pas que je vous dise d’avance tout ce que j’ai sur le cœur ? Vous y gagneriez des cuirs [6] de plus et moi des soupirs de moins que je pousse chaque fois que je pense à vous et que je ne peux pas vous voir ni vous dire tout l’amour que j’ai pour vous. Vous êtes bien gentil d’être revenu tantôt, mais vous le seriez encore bien plus si vous reveniez tout de suite à présent. J’ai beau faire, je vous préfère à tout. Je ne suis contente et heureuse qu’avec vous. Je ne suis pas difficile, comme vous voyez. Jour mon OFFICIER [7]. Vous êtes fièrement mieux à présent. Vous le seriez encore davantage si vous ne faisiez pas un tas de bamboches [8] et si vous relisiez RACINE cinq fois par jour. Je ne vous flatterai pas, moi. Je vous dirai vos dures vérités chaque fois que l’occasion s’en présentera. Pour commencer, je vous trouve ravissant et je vous aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 17-18
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein