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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 juin 1837

7 juin [1837], mercredi matin, 10 h. ¼

Cher petit homme bien aimé, vous n’êtes pas revenu ce matin et pourtant vous avez oublié vos lettres [1]. Je ne vous ai pas rappelé dans l’espoir que cela vous ferait revenir, mais bah ! vous pensez bien à cela, vraiment. Je suis sûre que vous avez encore travailléa comme un pauvre homme toute la nuit et que votre œil est dans un joli état ce matin. N’est-ce pas que c’est vrai ? Je viens de voir une scène de désespoir dans ma servante [2]. Elle a reçu ce matin une lettre de son pays où on lui apprend que sa sœur jumelle qu’elle aimait beaucoup est morte le 15 du mois passé. Cette pauvre fille a vraiment du malheur dans sa famille et je la plains de tout mon cœur. Je ne sais pas comment cela se fait, mais tous les incidents, quelques insignifiants qu’ils soient pour moi, me portent à t’aimer davantage. Je t’aime mon Victor bien aimé, je t’aime de toute mon âme. Mme Guérard m’écrit pour demander une loge pour aujourd’hui. Je suppose que c’est pour voir Angelo quoiqu’elle ne s’explique pas autrement. Mais enfin il faudrait qu’on la donne pour cela, et je ne vois pas ce qui l’aurait renseignée [3]. Je t’attends avec amour, mon Toto. Et puis si on joue Angelo ce soir, tu lui enverras une loge si tu peux. Jour mon To. Jour mon gros To. Jour mon cher petit bien-aimé. Jour on jour. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 271-272
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « travaillez ».


7 juin [1837], mercredi soir, 7 h. ½

Quel homme vous êtes mon Toto ! Pour cette fois permettez-moi de nier la puissance de Dieu car je doute qu’il puisse un jour en faire un autre aussi complet, aussi charmant et aussi ravissant que vous. Je vous aime aussi, mon cher bien-aimé, en proportion et plus ENCORE de votre idéale perfection. Oh ! oui je t’aime mon Victor. Jamais ce mot-là n’a été plus saintement employéa. Je t’aime, ça ne m’empêche pas de souffrir courageusement ton absence et cependant je suis triste comme si j’allais mourir. Seulement je suis résignée, je n’ai plus de ces impatiences d’autrefois qui te faisaient tant souffrir. Comme je t’aime plus, je les ai étouffées. Ce n’est plus qu’au-dedans moi que je suis impatiente et que je rugis de douleur. Ce soir par exemple, toutes les larmes que je n’ose pas verser sur mon papier, je les laisse retomber sur mon cœur au risque de le noyerb, et puis je souffre, je souffre, comme si je ne devais pas te voir d’ici à demain. Oh ! je t’aime, va. Je t’aime. Tu m’as promis de venir me prendre pour sortir ce soir. Je t’avouerai franchement que je ne crois pas que tu tiendras ta promesse. Et je ne t’en veux pas car je sais que tu es un pauvre homme plein de courage et de dévouement, parce que tu es mon idole, mon Dieu, ma foi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 273-274
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « emploié ».
b) « noier ».

Notes

[1Juliette, à cette époque, n’adresse pas ses lettres à Hugo par la poste ni en envoyant chez lui sa servante : elle dépose ses lettres quotidiennes dans une boîte chez elle, que Hugo relève quand il lui rend visite.

[2Il s’agit vraisemblablement de Suzette

[3Effectivement, le 7 juin Angelo n’est pas donné au programme. Il y aura une représentation le 9 juin, la quatrième depuis le 27 mai.

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