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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mars 1845

27 mars [1845], jeudi matin, 11 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon petit homme ravissant, comment vas-tu ? Te verrai-je bientôt ? Je n’ose pas l’espérer. Je tâche au contraire de me mastiquer une espèce de résignation pour empêcher ma tristesse et mon découragement de passer. Je ne sais pas si j’y parviendrai. En attendant, je fais ce que je peux bien en conscience. Tu es venu cette nuit, mon Toto, mais ce rhume me rend si souffrante que je ne peux pas m’empêcher de gémir et de me plaindre. Cela ne m’empêche pas de sentir que tu es là et d’en être bien heureuse. Je pensais que tu m’aurais apporté de l’ouvrage cette nuit, mais je me suis trompée. Je t’ai pourtant entendu écrire assez longtemps. Dans le cas où tu m’en apporterais aujourd’hui, de l’ouvrage, je vais me dépêcher de faire mes affaires.
Il faudra que je pense à te demander ce que tu as pris d’argent afin que je l’écrive. Je mettrai aussi le loyer de côté et l’argent de M. Frêné. Nous aurons encore Jourdain et Mme Triger à payer, après quoi nous serons tranquilles pour le reste de l’année, pauvre ange, grâce à ton courage, grâce à ta bonté. Quand je te compare aux autres hommes, je me sens pénétrée de respect et d’admiration. Mon Victor, laisse-moi te le dire et comme je peux, car j’ai besoin d’épancher ma reconnaissance et mon adoration. Je ne peux pas toujours tout garder en moi-même. Il y a des cas où la tendresse contenue fait autant de mal que la haine. Laisse-moi donc te dire que tu es mon sublime bien-aimé dont je baise les pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 233-234
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


27 mars [1845], jeudi après-midi, 2 h. ½

Cher bien-aimé, je t’aime. Tu dois en être bien sûr, car toutes mes actions, toutes mes pensées, toutes mes paroles et toute ma vie te le disent sans interruption. Seulement je ne te vois pas assez. Tu fais tout ce que tu peux, mais ce que tu peux est bien peu. Je ne veux pourtant pas me plaindre puisque je t’ai vu tantôt. Je suis contente, je suis heureuse.
J’ai reçu une lettre de Mme Luthereau. Je voudrais qu’elle contînt de meilleures nouvelles que celles d’hier. Le bon Dieu doit bien cela à ta gracieuse générosité. Quand tu viendras, tu la verras.
Tu ne m’as pas apporté à copier. Est-ce qu’il y a un article de la charte qui défend que je copie les tables des autres ouvrages ? Je croyais qu’ils devaient être, les ouvrages, tous égaux devant mon zèle et devant mon bonheur à les copier. Il paraît que je me suis trompée et que Mamzelle Dédé est la seule privilégiée . Et dire qu’il faut que j’avale tout ça, c’est dur pour une vieille Juju. Taisez-vous, vilain, vous n’êtes pas juste, taisez-vous. Si jamais je rattrapea mon cœur de vos griffes, je le garderai joliment pour moi. Vous verrez alors si vous en trouverez un autre comme le mien. Je ne vous dis que ça. En attendant, je bisque, je rage, je mange du fromage, mais en pure perte car vous n’en venez pas davantage.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 235-236
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je rattrappe ».

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