Paris, 15 février [18]79, samedi matin, 7 h. ½
Dors, mon grand bien-aimé, dors, sans remordsa ; tu n’as pas de Sénat aujourd’hui et tu n’en auras pas avant mardi, 18 ; l’ordre du jour que je te transcris te l’indique :
Sénat
Mardi 18 février réunion à deux heures dans les Bureaux. Organisation des Bureaux. À trois heures séance publique.
Tu as deux jours pleins à toi sur la planche. Profites-en pour pioncer comme un loir et pour m’aimer comme un chien. Demain il y aura quarante six ans [1] que je t’adore sans broncher. C’est vénérable et puis… v’là tout ! comme dit la chanson [2]. Eh ! bien non ! ce n’est pas tout il y a aussi une âme qui t’admire, qui t’aime, qui te sourit et qui te bénit. Demain elle te priera, cette âme, de lui donner son quarante-sixième certificat de vie que tu inscriras dans le livre d’or de notre amour et de notre bonheur [3]. En attendant cette nouvelle consécration de notre union dans cette vie je t’envoie ce que j’ai de plus tendre, de plus religieux et de plus sublime dans le cœur : je t’aime !
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 48
Transcription de Chantal Brière
[Pouchain]
a) « remord ».