Guernesey, 22 mai 1858, samedi soir 9h
Je commence ma restitus un peu tard, mon cher bien-aimé, cela tient à ce que j’ai voulu achever aujourd’hui plusieurs petites choses assez difficiles avant de me mettre à copier à fond le train. Ainsi, j’ai réuni ensemble trois morceaux de mon beau [verre ?] il ne reste plus qu’à la fermer ; mais c’est, hélas ! L’opération la plus délicate et je crois presque impossible car c’est au moins la dixième fois que j’y échoue. J’essaierai encore une fois dès que tous les nouveaux morceaux recollés seront bien secs après quoi j’y renoncerai avec douleur. J’ai encore regarni de bougie mon petit lustre, ce qui n’est pas non plus une besogne aussi simple et aussi facile que cela en a l’air. Enfin, après tous ces travaux herculéens, je me trouve à neuf heures du soir en face de mon cœur que tous ces arias ne contentent pas, tant s’en faut. Pour le consoler, je me hâte de lui bâcler sa restitus avant que tu ne viennes toi-même lui donner quelque chose de mieux et de plus substantiels. Justement ! On frappe ! Je reconnais ta voix, quel bonheur !
23 mai 1858, dimanche matin
Bonjour, mon pauvre souffrant, bonjour, mon cher adoré, comment vas ton bras ce matin, et comment as-tu passé la nuit ? Je suis bien impatiente de le savoir. En attendant, je t’aime de toute mon âme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 110
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette