4 janvier [1845], samedi après-midi, 1 h. ¼
Il y a bien longtemps que je t’ai dit bonjour du cœur et de la pensée, mon cher amour, mais j’ai été empêchée jusqu’à présent de te le gribouiller sur du papier à cause des mille petits tracas de ma maison. Claire est allée chez son père. Je veux qu’elle profite de l’occasion tout le temps qu’elle sera chez moi [1].
Tu as vu toi-même, mon Toto, combien elle était encore enfant. Tu vois qu’il faut encore la forcer à être raisonnable de bonne volonté. Du reste, cela lui viendra toujours assez tôt. C’est une chose assez maussade en soi que la raison. Et à tout prendre, la pomme de terre est moins agréable à l’œil que l’orange. Et à ce sujet, je te dirai que j’achète du papier presque tous les jours et que voilà déjà 12 sous de jetésa dans la poche du marchand. Tu passes souvent dans cette rue du Mouton. Tu devrais tâcher de te rappeler qu’il te faut du papier et en acheter. Tout ceci n’est pas très drôle et je ne sais pas pourquoi, si ce n’est par RAISON, que je te le dis.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, vous avez oublié vos gribouillis hier. Vous direz encore que c’est de ma faute, n’est-ce pas ? Que je vous entende, polisson, et vous aurez affaire à moi. Je vous ai copié très fidèlement la lettre aux Cogniardb [2]. Elle a été mise à la poste de très bonne heure. Voilà, mon cher petit [bijou ?] bien-aimé. Mais je n’ai pas été au bal. Ce sera pour cette nuit à l’opéra sous le cadran du foyer 2 h. 55 m. du m. [3]. En attendant, je vous baise bien fort.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16358, f. 13-14
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « jeter ».
b) « Cogniards ».