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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 mars 1846

25 mars [1846], mercredi, 9 h. ½

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon adoré petit Toto, bonjour mon cher amour, bonjour espiègle. Monsieur de Trogoff qu’orne [1] sa femme porte gaiement ses CORNES en PHILOSOF. Je crois que je ne cite pas bien mais vous me remettrez sur la voie. Il est impossible que je ne sois pas ferrée sur des choses aussi littéraires, aussi je m’en rapporte à vous pour m’identifier avec ces belles choses de la langue française.
Vous vous êtes en allé bien tôt hier, mon Toto, croyez-vous que ça m’arrange par hasard ? Je ne dormais pourtant pas et j’admirais en conscience toute cette belle poésie dont vous m’avez régalée cette nuit [2]. Qu’est ce qu’il vous faut donc pour vous retenir vieux vilain ? Je suis capable de perdre mon latin à la peine et ce serait grand dommage, convenez-en.
Qu’est-ce que vous faites aujourd’hui ? Êtes-vous homme à me faire sortir tantôt ? Voime, voime, s’il fait une pluie battante je ne dis pas mais s’il fait beau plus souvent. Eh ! bien pour vous vexer je me résignerai à tout. ATTRAPÉ ! Baisez-moi cher petit homme taquin et aimez-moi et je vous tiens quitte du RESTE. Hélas ! il le faut bien et je n’ai que le mérite de ne pouvoir pas faire autrement. Enfin il faut bien vouloir ce qu’on ne peut empêcher et accepter ce qu’on ne peut pas refuser et se passer de ce qu’on ne peut pas avoir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 305-306
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


25 mars [1846], mercredi soir, 10 h. ¾

Je ne veux pas me coucher, mon cher bien-aimé, avant de t’avoir souhaité le bonsoir, avant de t’avoir baisé, de la pensée, de l’âme et du cœur. Je te remercie, mon doux bien-aimé, d’être venu me chercher chez ces braves gens. Tu m’as donné en quelques instants du bonheur pour toute la soirée. Je n’ose pas espérer que tu viendras tout à l’heure parce que j’en sens la presque impossibilité. Mais si tu viens, mon adoré, je serai la plus heureuse des femmes et je te le prouverai par tout ce que les yeux, les lèvres et le cœur ont de plus doux, de plus tendre et de plus passionné. Nous sommes revenuesª, à pied avec Suzanne par l’itinéraire que tu sais. Il faisait un temps on ne peut pas plus doux et plus charmant et je n’aurais rien eu à désirer si tu avais été avec moi.
Cher petit homme, mon Victor, mon doux bien-aimé : j’ai bien pensé à toi, va : je t’ai bien béni du fond de l’âme. Si le magnétisme existe tu as dû te sentir dans une atmosphère d’amour et d’adoration. Ce soir qu’as-tu fait de ta pensée et de ton cœur, toi, mon Toto ? As-tu regretté ta pauvre Juju ? L’as-tu désirée ? L’as-tu aimée ? Tu me le diras quand je te verrai. D’ici là, je vais tâcher de croire que oui. Cela me sera très facile si j’en juge d’après moi. Tâche de venir ce soir, mon Victor chéri, à la condition cependant de ne pas te faire de mal. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 307-308
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « revenu ».

Notes

[1Le procès de Jean-Honoré de Trogoff de Kerlessy (1751-1794), officier de marine et aristocrate français du XVIIIᵉ siècle, sera mentionné par Hugo dans Les Travailleurs de la mer. La citation reste à élucider.

[2Autour du 20 mars, Hugo a écrit les poèmes « Nuit » et « Dans les ravins la route oblique… » (Toute la lyre)

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