Guernesey, 22 oct[obre 18]78, mardi matin, 6 h.
Nuit noire encore et pluie à versea au dehors, mais qu’importe si le soleil est dans ton rêve et si ton âme est en joie. Tout est bien et je remercie Dieu.
Je ne crois pas que tu puisses hygiéniquement sortir tantôt, pas même en voiture fermée, à moins que le médecin te l’ordonne. Dans tous les cas, je te prie de m’accorder une de tes heures libres de la journée pour une dernière et décisive explication seul à seule et dans une chambre où [nous] ne puissions pas être dérangés sans notre permission. Cette conversation ne peut pas être différée car le temps presse à Paris comme ici, et, selon le résultat de cette suprême explication, M. Lockroy qui part demain, pourra me comprendre ou m’exclure dans la distribution et l’aménagement de ta nouvelle maison [1]. Cette dernière cautérisation de la plaie de mon cœur, tu me la dois loyalement comme je te dois de ne t’en plus parler, guérie ou non [2].
J’attends et j’espère de bonnes nouvelles de ta nuit. Entre-temps, je m’occupe à faire un troisième duplicata de mon testament [3] puisque tu le désiresb. Je te donne ici le montant des déboursés faits par Rosalie depuis samedi :
1° Dépense de la double journée, samedi et dimanche, pour la cuisine : 125 F.
Dépense d’hier pour la cuisine : 44 F. 10
Note du gaz, compris fourniture et réparation : 166 F. 90
Total de ces avances : 336 F. 00
Sans compter la dépense qui recommence dès ce matin et le blanchissage à payer aujourd’hui.
Je serai bien contente si tu as bien dormi.
Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House
Syracuse
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett et Pouchain]
a) « averse ».
b) « désire ».