Guernesey, 15 oct[obre 18]78, mardi matin, 6 h.
Cher bien-aimé adoré, j’attends qu’il fasse jour chez toi pour envoyer prendre des nouvelles de ta nuit qui aura été bonne, je l’espère, malgré la brûlure du sinapismea Rigollot [1]b.
J’ai beau savoir que ton bobo n’est rien qu’un petit refroidissement causé par ton peu de précaution contre le froid et les brumes du soir pendant tes promenades trop tardives, la pensée que tu souffres, ne m’en est pas moins insupportable et je ferais tout au monde pour que cela ne t’arrive jamais. Aussi je serai bien heureuse tout à l’heure si on m’apporte, comme je l’espère et comme je le désire de tout mon cœur et de toute mon âme, de bonnes nouvelles de toi. Je pense que Corbin [2] viendra te voir de bonne [heure] ce matin. Peut-être ne voudra-t-il pas que tu sortes en voiture découverte aujourd’hui car il fait un vilain froid noir et humide tout à fait contraire à la petite indisposition que tu as et qu’il ne faudrait pas prolonger ni aggraverc par imprudence [3].
Je te supplie, mon adoré, de prendre soin de toi si tu m’aimes autant que je t’aime, moi qui t’adore.
Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House
Syracuse
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett et Pouchain]
a) « cinapisme ».
b) « Rigolot ».
c) « agraver ».