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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 janvier [1846], samedi matin, 9 h. ¼

Bonjour aimé, bonjour adoré, bonjour toi, bonjour vous. Comment que ça va ce matin ? Je suis furieuse contre moi, je m’en veux de dormir comme une marmotte quand tu es là, et pourtant c’est irrésistible et je ne peux m’en empêcher. Je donnerais tout au monde pour me soustraire à cette envie de dormir qui m’accable dès que minuit est passé. Il est vrai que si tu me parlais cela n’arriverait jamais, donc que c’est votre faute, donc c’est contre vous qu’il faut que je tourne ma fureur. Cher bien-aimé, tout cela n’empêche pas que tu ne sois le plus doux et le plus charmant des hommes et que je ne sois bien malheureuse quand je perds par ma faute une goutte de ta présence adorée. Ce soir je ne me coucherai pas, ça sera plus sûr. D’ici là j’ai le temps de te désirer et de soupirer bien longtemps après vous. Si vous étiez bien gentil vous viendriez de bonne heure pour faire le mien et vous resteriez très longtemps pour me donner celui de vous voir et d’en remplir mes yeux et mon cœur. Vous n’avez ni Chambre ni Académie, que je sache, ainsi vous pourriez bien venir si vous vouliez. Faites un effort pour moi, vous verrez que ce n’est peut-être pas aussi impossible que vous le croyez. Essayez, il n’y a que le premier pas qui coûte. En attendant je baise vos pieds, vos mains, votre nez, votre front, vos yeux, votre bouche et le RESTE et puis je vous adore de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 103-104
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


31 janvier [1846], samedi soir, 5 h. 

Je ne sais pas comment vous vous y prenez, mon amour, mais je vous aime de plus en plus quoiqu’il n’y ait en vérité pas de quoi. Donnez-moi donc votre secret afin que je réussisse auprès de vous avec aussi peu de frais. Cher bien-aimé, je ne veux pas blasphémer plus longtemps sur le mérite de ton adorable petite personne. Je t’aime parce que tu es beau, parce que tu es grand, parce que tu es bon, parce que tu es noble, parce que tu es généreux, parce que je t’aime et parce que je t’adore. Je voudrais baiser tes divins pieds, je voudrais te servir à genoux. Je sais que tu me donnes tout le temps que te laisse un travail opiniâtre et des affaires sans nombre, c’est bien peu pour les besoins insatiables de mon cœur, mais je reconnais que c’est beaucoup pour un cher adoré recherché et entouré et admiré comme tu l’es. Quand je te dis le contraire c’est pour plaisanter, hélas ! Si on peut appeler plaisanterie les plaintes même injustes et déraisonnables qui m’arrache le besoin exclusif que j’ai de te voir.
Jour Toto, jour mon cher petit o. J’ai sous les yeux le lapin qui fait des gambades, je l’admire mais je n’en veux pas dans mon jardin parce qu’il me dévorerait tout. C’est bien assez de Fouyou et de Cocotte. Je trouve que cela suffit et au-delà à mon bonheur. Baisez-moi, vous, et venez bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 105-106
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

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