Paris, 6 mars [18]78, mercredi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon grand petit homme, bonjour, je te souris et je te bénis. J’espère que tu as passé une very good nuit et même que tu dors encore. Quant à moi, j’ai peu dormi mais je ne m’en plains pas puisque j’ai employé mes heures de non sommeil à passer en revue tous nos heureux souvenirs, depuis le premier jusqu’au dernier, depuis le 16 février 1833 jusqu’au 5 mars 1878. Aussi ce matin je suis allègre et toute reverdie comme je l’étais à ton premier baiser……….. !!!!!a J’ai oublié de te dire que j’ai donné asile à un charmant petit serin perdu que personne n’a réclamé et dont personne ne se souciait. La liberté, pour lui, c’était la mort par la faim ou par les chats. J’en ai eu pitié et je l’ai gardé et mis dans ses meubles : cage, mangeoire, baignoire, millet, biscuits de mer, mouron, le tout 5 F. 45 une fois [payé ?]. Il semble déjà me reconnaître quand je lui parle, tu sais ma superstition des oiseaux qui me semblentb le commencement des anges ? Ça n’est pas plus bête qu’autre chose et puis cela ne fait de mal à personne. L’important estc de le garantir des griffes de Gavroche qui a déjà fait plusieurs tentatives de ce côté-là : malheureusement je n’ai pas de place pour le garder dans ma chambre. Enfin nous verrons ensemble à lui en faire une. En attendant je t’adore.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 64
Transcription de Chantal Brière
a) onze points suivis de cinq points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.
b) « semble ».
c) « et ».