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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 août [1847], lundi matin, 7 h.

Bonjour, mon Victor, bonjour. Santé, plaisir, soleil, joie et bonheur à toi. Je t’aime. Tu n’as pas pu revenir hier au soir. J’en ai été encore un peu plus triste mais je ne t’en ai pas voulu, je ne sais pas t’en vouloir je suis triste et puis voilà tout. Le hasard (metsa que font les TOTO pour les JUJU qui le mangent) est cause que tu es venu juste à l’heure de mes convives malgré la précaution que j’avais prise de les faire venir très tard. Les jours où je suis extrêmement seule tu me quittes à cinq heures et demie. Je sais bien ce que tu as à me dire d’avance et je ne te parle de cela que pour mémoire. Et puis ces braves Féau et autres Triger ne sont pas assez amusantes pour regretter beaucoup de les effaroucher en les recevant du bout des lèvres. Mais cependant si elles cessaient de venir je serais dans une solitude absolue sans avoir même l’araignéeb traditionnelle du prisonnier, ce qui serait assez dangereux pour l’usage de la parole. Pense que je suis seule toujours si ce n’est quelques courtes et trop rares apparitions que tu fais chez moi. Cet isolement assidu a quelque chose qui m’hébète et me rend la vie lourde et difficile à porter. Voilà pourquoi j’essaie d’en sortir par toutes les Féau possibles et impossibles. Seulement je ne voudrais pas, dussé-je en crever, que ce soulagement bête me privâtc une seconde du bonheur d’être entièrement avec toi. Tu devrais le comprendre et t’y prêter un peu en ne faisant pas constamment coïncider le quart d’heure que tu me donnes avec la présence de ces bonnes et ennuyeusesd femmes. Maintenant baise-moi et aime-moi et tout sera bien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 184-185
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « met »
b) « l’araignées »
c) « priva »
d) « ennuieuses »


9 août [1847], lundi, midi ¾

C’est aujourd’hui que la Chambre clôture sa représentation à ce qu’il paraît. Hélas ! je ne sais pas si je gagnerai beaucoup à ce RELÂCHE prolongé car j’avais la ressource d’aller t’y chercher souvent. Maintenant le fameux : JE TRAVAILLE, la MAIRIE, la GARDE NATIONALE de CHARLES, SON CARABINIER, QUI N’EST PAS AUSSI SIMPLE QU’ON CROIT et toute la famille du CHAUMONTEL me passeront assidument devant le nez sans que j’aie le plus petit mot à dire. Aussi est-ce avec regret que je vois tous les comiques de la troupe du Luxembourg prendre leur congé pour trois ou quatre mois. J’ai envie de tirer d’ici un grand coup de pistolet sur le roi et son auguste famille afin de les forcer à revenir tous [1]. Cette idée n’est pas aussi bête qu’elle affecte d’en avoir l’air. J’y songerai à loisir. En attendant, mon Toto, que faites-vous aujourd’hui et quand pensez-vous me faire l’honneur de venir me voir ? Si cette question est indiscrète mettez que je n’ai rien dit et dépêchez-vous de venir pour que je ne la renouvelle pas. Vous savez que je voudrais changer mon papier armorié contre un plus simple. Ce blason à quatre pattes choque mes idées républicaines [2]. Je laisse toutes ces manifestations aristocratiques aux VICOMTES attardés dans les étroits sentiers des préjugés et du féodalisme. Qu’ils se fassent donc TIMBRER sans craindre de double emploi : moi je ne veux d’autre ÉCU que celui contrôlé par la monnaie. Je laisse les nobles pairs se prosterner devant le CIMIER du duc Pasquier (lequel est un bibi vert) et je reste dans mon austère et farouche simplicité de Juju.

BnF, Mss, NAF 16365, f. 186-187
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

Notes

[1En 1846, deux procès pour régicide avaient retenu les pairs à la Chambre, ceux de Lecomte et d’Henry.

[2Victor Hugo a offert à Juliette Drouet du papier à lettres décoré d’un chien. Mais ce n’est pas celui qu’elle utilise pour cette lettre.

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