Guernesey, 3 août 1856, dimanche après-midi, 3 h.
Te voilà parti, mon cher petit homme, et je ne sais pas quand je te reverrai. C’est bien triste pour un dimanche mais comme je ne veux pas te tourmenter et entraver ton hospitalité envers tes visiteuses, je tâcherai d’avoir beaucoup de courage et de patience tout le temps qu’elles seront ici. Êtes-vous content, monsieur ? Du reste, ne croyez pas que je vous tienne quitte à si bon marché car je compte vous présenter un jour mon mémoire de promenades, de pique-niques, de concerts, de Balthazars, à pied, en voitures, sur l’eau, partout et ailleurs et nous verrons si vous aurez le front de ne pas me rembourser intégralement de toutes ces parties de plaisir, de goinfrerie et de folâtrerie qui m’ont passées devant le nez depuis six mois. En attendant, je suis seule comme un pauvre caniche, ce qui n’est pas amusant. J’espère que vos péronnelles [1] éprouveront le besoin de quitter l’île mercredi et que vous ne vous y opposerez pas. En somme, quatre jours de galanteries et de politesses sont bien suffisants pour des gens qui ne sont pas des amis intimes, il me semble du moins. Après cela, tu n’ena feras toujours que ce que tu voudras et je ne t’en aimerai pas moins, voilà ce qui est bien sûr. Merci, mon cher petit homme, de ton cadeau que je trouve joli parce qu’il me vient de toi et que je pourrai l’employer à mettre quelques-unes de mes chères reliques d’amour. Un de tes portraits pour chaque [jour ?], ce qui vaut mieux que la bête de destination que lui avait assignée Téléki.
Juliette.
Bnf, Mss, NAF 16377, f. 206
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette
a) « en ».