Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1856 > Juin > 13

13 juin 1856

Guernesey, 13 juin 1856, vendredi après-midi, 3 h. ½

Je t’attends, mon cher petit homme, je t’aime, voilà ma situation physiquea et morale du moment. Et toi, mon cher petit homme, comment vas-tu aujourd’hui ? Tes petits bobos des lèvres sont-ils disparus ? Tu travailles trop et tu ne prends pas assez soin de toi. À ta place, en attendant la saison des bains froids, je prendrais des bains de mer chauds et j’y resterais très longtemps pour me reposer et pour me rafraîchirb le sang. Mais tu ne prends le temps de rien faire d’utile à ta santé. Aussi il arrivera que tu deviendras un jour sérieusement malade ce qui sera bien heureux pour toi et pour moi. Mon pauvre adoré, cette pensée quand elle me vient et que je m’y arrête me bouleverse toute et je crois alors que le danger est imminent ; c’est pourquoi je te supplie de prendre garde à toi et de ne pas abuser de ta force et de ta santé au-delà de toute raison et de toute prudence. Je crois que te voilà. Justement je m’étais trompée de grandeur de papier. Vous arrivez fort à propos pour me forcer à rentrer dans la limite de la restitus honnête et modérée. Merci, mon grand bien-aimé, merci pour ta bonté ineffable, merci pour ta complaisance inépuisable, merci, je t’adore. Je n’espère pas grand chose de ta démarche auprès de la bonne vieille propriétaire à cause de son ours de fils mais au moins nous serons à peu près fixés de ce côté-là et nous pourrons essayer de trouver ailleurs puisqu’enfin il faut que je me case quelque part [1]. L’inconvénient de ton voisinage entrevu me rendra toute autre maison, et quelle que soitc sa situation, maussade et triste si elle n’est pas dans les mêmes conditions que celle-ci [2]. Ce qui du reste est presque impossible à moins de louer dans la maison mitoyenne, autre impossibilité encore plus insurmontable. Mais je te rabâche des choses bien inutiles de toutes façons tandis que j’ai le cœur qui regorge de tendresse qui ne demande qu’à s’épancher. Mon bien-aimé, mon Victor, mon sublime adoré, reviens bien vite sécher tes chers petits pieds. Je t’attends la bouche pleine de baisers, les yeux pleins de sourire, les bras pleins de caresse et l’âme pleine d’adoration.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 170-171
Transcription de Chantal Brière

a) « phisique ».
b) « raffraîchir ».
c) « quelque soit ».

Notes

[1Juliette est à la recherche d’un nouveau logement.

[2Juliette souhaite habiter près de Hauteville House, la maison que Hugo a achetée le 16 mai 1856.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne