Paris, 20 déc[embre 18]70, mardi soir, 4 h.
Je suis bien patraque, mon cher bien-aimé, mais heureusement que le moment approche où tu vas venir, ce qui me redonnera un petit fion d’entrain et de gaîté. J’ai remis à ton fils Victor [1] la somme dont tu m’avais chargée pour lui. Seulement je n’avais pas bien retenu le chiffre que je croyais être de 650 F. au lieu de [750 F. ?] comme me l’a très justement réclamé ton cher petit Toto. Cela fait, j’ai envoyé Suzanne m’acheter des bougies. J’en ai pris huit livres à la fois à cause du prix qui va toujours augmentant. J’ai aussi acheté du bois et demain je paierai la blanchisseuse. Quant à mes divers achats, je les ajourne faute de jambes pour sortir. Dès que je serai un peu moins endolorie je me paierai une flanelle immense. En attendant j’ai pris sur ma soupe du matin, que je trouve bonne, une grande assiettée pour Petite Jeanne qu’on lui fera réchauffer devant mon feu ce soir et manger. Chaque fois que l’occasion s’en présentera j’en ferai autant à moins que cela ne lui plaise plus. J’ai vu Louis [2] tantôt qui m’a priée de te demander si tu lui permettrais de faire lire en classe le soir à ses élèves adultes et gratuits des pages de Napoléon-le-Petit et des Châtiments. Si sa demande te paraît trop indiscrète pour être accordée il te prie de le lui pardonner et de l’oublier pour ne te souvenir que de son respectueux dévouement pour toi et de sa profonde vénération. Je t’aime.
MLVH, 130-8-LAS-VH 14 a, b et c
Transcription de Gérard Pouchain